°g°erboiseries*

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Retrouvailles ?

J’ai un peu hésité, mais j’ai fini par composer son numéro. Une sonnerie, deux sonneries, trois… Il décroche. La voix est lointaine, ne m’évoque rien ; trop sèche. Je lui demande si c’est bien lui, et instantanément je me trouve con. « Je n’avais pas reconnu ta voix. » Je lui dis que je ne pourrai pas venir ce soir, que je suis « bien malade ». Il ne répond rien, ou alors je n’entends pas : la connexion est mauvaise et il a toujours parlé assez doucement. Il est taciturne, livre peu de choses. Il faut aller le chercher. Je pose quelques questions sur le grand départ qui s’annonce. Pourquoi Manchester, s’il y a autre chose que Joy Division là-bas. Ça le fait rire. Il me répond simplement, calmement. En fait je peine à le reconnaître. Je ne retrouve pas ce petit côté efféminé qui m’avait surpris, la toute première fois que je l’avais eu au téléphone après dialH. Il faut dire que je m’attendais à un gros dur mal dégrossi, ça avait fait contraste ; charmant contraste. Là, il semble plus serein, enfin, je n’en sais rien. On a vieilli après tout. J’essaie de lui dire le respect et l’intérêt que m’inspire sa démarche, de faire ainsi table rase et de repartir à zéro, ailleurs, seul. Je trouve que ça lui va bien, et que ça a toutes les chances de marcher. Mais au téléphone je m’exprime mal, j’ai peur de faire petit, étriqué, condescendant. « On se sera ratés jusqu’au bout. »

Allez, bon vent, petit père. J’espère que tu me raconteras.

Moi, toi et tous les autres : « Back and forth. Forever. »

Moi, toi et tous les autresOn se donne une galerie de personnages dans une banlieue américaine, et on les regarde s’entrecroiser au gré du hasard. La plupart d’entre eux se comporte de manière incongrue, ce qui donne lieu à de multiples saynètes qui font sourire avec tendresse de ces doux dingues, constamment à côté de leurs chaussures. Les acteurs sont plaisants, ils savent être beaux, touchants dans leurs fêlures. Un film gentillet ? Certes non, il y flotte une fausse légèreté : l’absurdité apparente de ce qui s’y trame lui donne une consistance.

Le rêve éveillé tient une grande place, les silences sont éloquents. Beaucoup de matière passe par le non-dit, hors du discours des personnages. Les personnages rêvent leur vie, rêvent la vie des autres autour d’eux. Je suis frappé de voir combien ce film parle du virtuel comme je peux parler des chats (d’ailleurs éléments du film). Chaque personnage vit dans son propre monde, réalité modulée par les fantasmes qu’il y projète. Partant, on nous montre la difficulté de la rencontre, où les imaginaires se contredisent (et sont contredits par la réalité), créant la surprise, parfois le dépit. La sexualité, qui traverse le film de part en part, se joue constamment hors du cliché de la fusion des êtres : les personnages n’y partagent jamais la même aventure, y cherchent des choses radicalement distinctes ; certains sont victimes de malentendus, bernés par leur imagination trop téméraire.

Le film aurait pu s’arrêter au constat mélancolique de l’impossible communication entre les êtres. Il n’en est rien. Passée l’incompréhension, naît du choc des subjectivités la possibilité de grandir, de saisir l’inattendu comme un enrichissement. La rencontre finit par se faire, parfois éphémère et fragile, mais elle est tout sauf stérile. Cela donne lieu à de très jolies scènes ; la directrice du centre d’art contemporain qui rencontre son chat-mate pour le moins déconcertant ; le fils de parents séparés et la petite fille bien pressée de s’imaginer mariée ; le vendeur de chaussures paumé et la jeune artiste en proie au doute, dans sa folie douce.

De la même manière, le spectateur est invité à rencontrer chacun des personnages, dans une empathie singulière, et à partager leurs éternels allers et retours entre auto-fiction et réalité. Cela fonctionne étonnamment bien. Très beau moment que ce film.

Chronique fébrile

Je me disais que je faisais un peu ma chochotte, à rebrousser chemin comme ça aux Halles, sur la route pour °O°rsay, décidant que je n’y arriverais pas ; à appeler mes collègues pour dire que j’étais malade et que je ne surveillerais pas l’examen. Je me disais que j’étais une incorrigible drama, à manquer de chialer comme ça, entre deux pas minuscules, devant l’angoisse de la distance à parcourir pour rentrer. Et l’après-midi, j’avais un peu honte de m’affaler comme ça sur le comptoir du labo où j’apprenais que l’analyse d’urine ne permettait pas d’identifier ce que j’avais. « Euh, ça va ? demande la secrétaire. — Non. Je vais m’asseoir, je ne tiens plus debout. — Vous voulez un verre d’eau ? — Non, ça va aller, je vais chez le médecin dans une demie heure. »

Il avait fallu s’incruster dans sa liste de rendez-vous pleine à ras bord. Je l’avais senti un peu agacé au téléphone, « Encore un de ces emmerdeurs hypochondriaques » a-t-il dû se dire. Et c’est un peu ce que je pensais. Dans la salle d’attente, une heure passée, interminable avec mon mal de bide et mes tremblements fébriles. Puis la consultation. Au départ il me paraît froid, peu à l’écoute. Mais quand je sors tout a déjà changé. Il a consulté un collègue urologue pour être sûr de sa prescription, il m’a clairement indiqué la marche à suivre, il m’a indiqué un cabinet d’infirmiers où l’on me ferait les injections. « Désolé, je vais vous faire marcher un peu. Vous voyez le métro Télégraphe ? » Ça va, c’est à deux pas, même si je me déplace très difficilement. Ce soir j’aurai ma piqûre dans les fesses. Fini l’ibuprofène inapproprié, place au traitement de cheval ; deux antibiotiques, un anti-inflammatoire et de l’Efferalgan pour la fièvre.

Quand je rentre chez moi, j’ai 39°5, je suis épuisé et nauséeux. Je réalise que je n’ai pas eu autant de fièvre depuis bien longtemps. Je n’ai pas été si chochotte que ça. Je prends mon traitement scrupuleusement, et deux heures après je me sens déjà sensiblement mieux. J’annule toutes mes sorties, mon retour chez les parents. Ma mère s’inquiète, et commence : « Mais où est-ce que tu es allé choper ça, encore ? » Tout ce que je ne veux pas entendre. Je parviens à me faire remplacer pour mon TD. J’ai Farkas au téléphone, Lapin et Loutre prennent des nouvelles, s’inquiètent. Lapin laisse son portable ouvert, je peux l’appeler quand je veux ; il se propose en garde-malade. Ça fait chaud au cœur.

Je ne dirai que trois choses…

  1. Ouin.
  2. Vive l’ibuprofène.
  3. Vivement les antibiotiques.

Fin de communication.

Grumeaux

Mon quotidien est parsemé de petits désagréments insignifiants, petits grumeaux qui viennent pourrir la petite routine où j’essayais de me blottir. Il y a cette couille folle, qui m’impose des examens improbables et qui remue mon emploi du temps dans tous les sens, alors que c’était déjà la semaine des partiels. Il y a les concerts que m’a fait louper cette couille rebelle ; adieu Queen Adreena et Vive la Fête, ce sera pour une prochaine fois. Il y a la touche E de mon portable qui a rendu l’âme, m’obligeant d’abord à E-er à coup de copier-coller (il fallait copier une nouvelle fois à chaque passage majuscule-minuscule, trop cool), puis à m’acheter un clavier externe : mon portable fait maintenant tellement usine à gaz que GDF pourrait bien le reprendre. Il y a cette journée de stage pour la rentrée, où je croise ma très chère amie Mathilde, et où nous nous ingénions à faire comme si nous ne nous étions pas vus. Je crois qu’on se déteste cordialement. Le truc c’est qu’après-demain je suis invité à l’anniversaire d’une amie (une vraie cette fois) qui a lieu chez la-dite Mathilde. Pour ne rien gâcher, j’enchaîne sur les retrouvailles avec mon ex Nothing, que je n’ai pas vu depuis deux ans ; ça aura lieu au milieu d’une meute d’inconnus pas forcément friendly, et après il se casse pour de bon pour l’Angleterre : one shot, no more lives. Cette soirée est un gigantesque point d’interrogation gonflable qui risque bien de me péter à la gueule.

Bon. °g°erboise, du calme.

Je n’aime pas quand les gens geignent, et ça vaut pour moi aussi. C’est d’ailleurs pourquoi le blog tourne au ralenti actuellement.

Pourtant, dans ce porridge, quelques moments surnagent. Ce soir, Choubichou m’a tout tondu. Ben c’était tout chou, tout simple.

Dans le caleçon, l'essence d'une journée

Quand on a une couille deux fois plus grosse que l’autre, on comprend mieux ce que ressentent les vieillards. On marche d’un pas lent, aussi souple et mesuré que possible ; et quand la gêne augmente, on claudique un peu. Dans le métro, on abandonne la course effrénée pour prendre son temps. On préfère les escaliers mécaniques, où l’on se pose tranquillement pour observer la voûte avancer, tandis qu’on nous dépasse par la gauche d’un pas nerveux si ce n’est agacé. On passe le tourniquet avec minutie, d’abord la jambe droite, de trois-quart, et on prend garde à la porte qui oscille, absurde menace. Si le métro est à quai et fait mine de s’enfuir, on le laisse partir, et on attend sagement le suivant. Une fois dedans, on s’assied avec mille précautions, lourd et gauche que l’on est, et toujours sur le siège contre l’allée, pour se ménager un peu d’espace. Dans un wagon bondé, on craint la foule, le contact malencontreux qui nous arrachera un petit glapissement pathétique. Quand la porte s’ouvre, on boite vers la sortie, doucement, tandis que la rame emmène la foule vers la station suivante.

Quand on a une couille deux fois plus grosse que l’autre, on peut tout de même monter à moto. Il est moins aisé d’y prendre place, mais une fois installé derrière un Choubichou, c’est assez confortable. Le cahot ne parvient pas à meurtrir, et la fraîcheur du mouvement, sous le soleil des grandes avenues, reste agréable. Les souterrains des Halles sont un jeu vidéo grandeur nature ; seule diffère la délicatesse du chauffeur qui m’épargne même les affres de la bordure à sauter en fin de course.

Quand on a une couille deux fois plus grosse que l’autre, on peut passer un bon dimanche. Il suffit d’être bien entouré. Et le monde est plus vaste, et le monde est plus serein.

Final Fantasy au Nouveau Casino (18.10.2005)

Je n’arrive pas à écrire, alors en vrac : Owen Pallet = Final Fantasy = le violoniste accompagnant Arcade Fire (que j’adore). Le Nouveau Casino, petite salle à Oberkampf tout à fait sympathique, une sorte de grotte. Des balades folk avec quelques idées excentriques (se donner des baffes, gueuler dans le micro du violon, utiliser le violon comme percussion), une voix impeccable, un joli biquet pour l’accompagner à la batterie sur la fin du concert (Adding a new member to the band every five songs keeps the show interesting). Une posture de premier de la classe, un peu tendu, un peu hautain, mais tellement pétasse en même temps. Un Montréalais anglophone so British, qui se moque de l’ambiance des tournées en Suisse et flatte les Parisiens dans le sens du poil : c’est l’endroit où il s’engueule le moins avec son boyfriend. Un truc qui sonne comme une blague (faire un remix au violon de Bloc Party), un peu d’ironie sur le dos de Kele Okereke, et un public bluffé quand il s’attèle à This Modern Love en pizzicato. De belles chansons qui ne sont pas sur le disque. De l’émotion, des filles qui tombent amoureuses (Owen, I love you ! — But you don’t know me !) et Mathieu qui repart en groupie du violoniste. Pas mal du tout, tout ça.

Site web : http://www.finalfantasyeternal.com/

Spleen du matheux

J’aurais voulu écrire quelque chose en contrepied de ce qu’on trouve chez Juju actuellement. Dire que je ne comprends pas pourquoi les gens détestent les maths à ce point, alors que moi j’y ai trouvé un refuge pendant tant d’années, le plaisir sans cesse renouvelé de trouver un terrain intellectuel où la certitude était possible, à portée de mes moyens, que je me représentais si frêles et incertains. J’étais bon, très bon même, 20 au bac les doigts dans le nez, la prépa avec ses moments difficiles, mais quand même moins que pour beaucoup d’autres, sans compter l’heureux dénouement à la fin. J’ai fait la joie de mes profs, certains ont su faire la mienne également. L’apogée c’était en math sup. Sacré René, quel âge d’or quand même.

Et maintenant tout ça me paraît bien loin. C’est une lutte quotidienne pour me dire que j’aime encore les maths, celles qui devraient m’occuper désormais, du moins. Je suis un thésard médiocre, mon boulot m’emmerde à mourir. Parfois j’ai encore quelques éclairs quand je parviens à écrire quelque chose un peu joliment. C’est rare. J’ai l’impression de m’être planté de voie, et en même temps de ne rien savoir faire d’autre. Alors allez-y, dans ces conditions, pour aimer les maths à la place des autres, et aller porter la bonne parole.

Pourtant, j’aime beaucoup mes étudiants. J’ai envie de tenir le coup pour eux, malgré les doutes du côté de la recherche. J’essaie de me dire que former aux maths, quand elles sont élémentaires, c’est former à la logique, à la rigueur ; à l’esprit scientifique. Et ça, ça sert partout, pas que pour résoudre des problèmes de triangles à la con. J’aime leur expliquer quand ils ne comprennent pas, pour peu qu’ils veuillent bien jouer le jeu et qu’ils ne se foutent pas de ma gueule. Je me plais d’ailleurs à leur faire sentir que je comprends l’absurdité de certains exos. Mais souvent on n’a pas le temps, on a un programme à tenir. Alors ça m’arrive de perdre patience, de les brusquer un peu, surtout quand ils n’ont pas bossé et qu’on est tous crevés le vendredi en fin de journée.

Bref, je ne sais pas encore très bien ce que je fais là. Mais le prophète des maths, c’est la porte à côté, ça c’est sûr.

Hébétude

Je me laisse facilement terrasser par la malveillance des gens. En ce moment, ça ne va pas fort, je suis un peu obsédé par des bisbilles que j’ai eues avec certaines personnes désobligeantes. C’est anecdotique, mais ça me poursuit partout. Ça me mine. Pourtant, qu’ai-je à faire d’une énarque présomptueuse que je ne reverrai sans doute jamais et d’une normalienne égoïste qui fait payer à son entourage le fait qu’elle n’a pas de vie ? Je ne sais pas. Pourtant ça me hante, je ne parviens pas à lâcher prise. Je suis trop sensible, et pourtant déjà si dur.

Dans cette ambiance un peu lugubre, Freaky dit à ma place bon nombre de choses que je n’arrive pas à écrire. Je compatis à ses angoisses autant que je m’apitoie sur mon propre sort. Ça ne soulage en rien mais ça esthétise.

Ailleurs, un visiteur écrit la chronique auto-fictionnelle du bonheur adolescent. La chaleur du sud autant que la chaleur d’un groupe d’amis ; expérience que je regrette d’autant plus que je l’ai à peine effleurée il y a de cela quelques années. Ce récit tendre et nostalgique me ramène à des pensées plus douces. Des symboles : les perroquets, où s’incarne cette magnifique relation avec Spat ; l’Allemagne, qui m’appelle sourdement, avec insistance… Et derrière, la quête de la bienveillance, la patiente construction d’une famille qui doivent m’occuper désormais. Quelques sanglots, qui me soulagent. Il y a un avenir, il faut juste s’interdire de l’oublier.

Courir et surjouer

Lever difficile, même l’eau de la douche ne m’éclaircit pas les idées. Journée de TD en perspective, préparés rapidement, interros prévues, ça s’annonce compliqué. Pas très motivant : humeur à l’indifférence. Départ juste à l’heure, presque en retard.

Dans le métro, compile « Dusty » sur les oreilles, nostalgie de l’electro d’il y a deux ans. Debout dans le RER, assis à Denfert. La musique m’agace, je l’arrête, pas envie de Gide, il me faut du plus facile : je sors le Technikart que je n’ai pas fini. Un dossier sur la presse alter, les « bonnets péruviens » qui m’ennuient. Puis un autre sur Depeche Mode, ces shampouineuses moins pédées que je ne l’aurais cru. Le RER s’est vidé entre temps, il fait beau, c’est agréable. Un coup d’œil par la vitre : Robins… Robinson ? Putain de bordel de merde, je me suis planté de RER. Coup d’œil à mon téléphone : 9h30, j’ai TD à 10h15, ça va être chaud.

Le RER stationne un temps interminable. On part enfin. Je me lève, je me mets devant la porte nerveusement, comme pour faire avancer le train plus vite. Une station, deux stations, trois stations : Bourg-la-Reine. Je détale comme un lapin, ivre de mon retard. Une minute après, le bon RER.

Arrivée à bon port à 10h05. Je descends en courant vers la vallée. Mes Etnies font un potin d’enfer : ben oui, semelles plates. Je m’essoufle, putain, qu’est-ce que je suis vieux. Je capitule, je décroche : je trotte à peine. Je chope les photocopies au secrétariat. Je grimpe les deux étages en volant au-dessus des marches. Les portes coupe-feux sont toutes fermées. Putain de fac où tout est déglingué.

Devant la porte mes étudiants attendent : bizarre. Dedans, un prof n’a pas fini sa colle. Sèchement « Euh, Monsieur, j’ai TD dans cette salle. — (confus) Oui, je sors tout de suite. » Mes étudiants s’installent, je n’ai plus de souffle, je suis en nage, sûr que demain je n’ai plus de voix. À peine ma craie touche-t-elle le tableau que l’alerte incendie retentit. Damned, il faut sortir. Ça me fait grave chier, déjà qu’on allait être à la bourre avec tout ce qui était prévu. On descend dans l’anarchie complète. Je ne suis absolument pas formé pour ce genre de choses. Dehors un rigolo a un brassard et un mégaphone. Il faut aller au point de rassemblement un peu plus loin : on n’a que ça à faire.

Je papote un peu avec mes étudiants. C’est étonnamment informel, plutôt attendrissant. Un peu malaisé, incongru. Les filles me demandent si je suis encore étudiant. Oui, mais moi je regrette le temps où on me faisait cours et où on me posait des exercices. Maintenant les exos, c’est à moi de me les poser. Et c’est dur.

On finit par remonter. Une demie heure de perdue. Je dis que je la rattrape en fin de séance, les étudiants ronchonnent, disent qu’ils ne peuvent pas. Du coup on fait l’interro immédiatement, et ceux qui voudront partir à la fin prendront leurs responsabilités. La suite se passe assez bien. Je ne les garde qu’un quart d’heure de plus, je rends les DM en essayant d’adoucir mes remarques toujours trop sèches à l’écrit par des commentaires individuels plus compatissants. Ça a l’air de marcher ; à la sortie j’ai une petite troupe de filles qui viennent me poser des questions sur le cours.

Il reste une heure avant le prochain TD. Une heure pour aller au resto du personnel, bouffer et revenir. Heureusement à cette heure il n’y a pas de queue. Sauf que j’ai oublié le décalage dû à l’alerte au feu. Quand j’arrive, c’est blindé devant le resto, et j’aperçois mon chef dans la queue ; la dernière personne que je voulais voir. Prenant prétexte des courants d’air, j’arrive à me planquer dans ma capuche. Ça n’avance pas, une vraie plaie. Quand j’ai passé la caisse avec mon plateau, il me reste à peu près dix minutes pour manger.

Je lape ma soupe comme un chien, je me bats avec la côte d’agneau, tant et si bien que je fous des haricots partout dans mon plateau. J’ai l’air fin face à ma voisine qui dissèque méticuleusement son saumon dans son assiette. J’ai pris un cône et une banane pour les embarquer sur le chemin du retour. Je sors, tout empêtré dans mes fringues, avec mon cartable qui pèse deux tonnes et ce cône glacé coincé entre deux doigts. Je le mange comme je peux, je sens que j’ai de la glace qui coule dans ma barbe, vraiment, que du bonheur. Je cherche un mouchoir dans ma sacoche pour m’essuyer, mais… Ma sacoche ! Putain de bordel de merde, je l’ai oubliée au resto. Et le °g°erbiPod qui est dedans, en plus… Je rebrousse chemin en courant comme un dératé, mon téléphone sonne, numéro inconnu, ben celui-là, il attendra. J’arrive au resto, je retrouve mon sac, tout y est, ouf, je suis juste en retard.

Le message est de mon collègue biologiste qui doit faire le TD avec moi : on essuie les plâtres aujourd’hui. Il va être en retard. À cause du RER. Génial. Dans un accès de mauvaise foi, je me dis qu’on m’a encore refilé un sacré loulou. Et ensuite je souris en pensant à ma matinée. J’arrive seulement deux minutes en retard, tout dégoulinant de sueur, je m’éponge avec un kleenex comme une mémé. J’explique que mon collègue de bio est en retard. Regards de poules qui ont trouvé un couteau. « Ah, vous n’êtes pas au courant ? Et je parie que vous n’avez pas les sujets de bio… Non, non, ce n’est pas grave. » Il va juste falloir que je descende les faire photocopier en catastrophe. J’adore.

Comme l’autre n’est pas là, on commence par l’interro, pour changer. Pendant qu’ils bûchent je les compte et je les recompte, histoire de savoir combien il faudra faire de photocopies, mais j’oublie tout le temps le résultat alors je dois recommencer trois fois, entre deux séchages de front à coup de mouchoir détrempé. Ça y est, je deviens dingue.

Il arrive enfin. C’est un camarade de promo de Normale, que je ne connaissais que par fiche annuaire interposée. Ben il était mieux sur la photo. Mais je veux bien lui pardonner : il a les photocopies. Il commence son TD, je vais pouvoir souffler un peu. En bio ils leur font des TD beaucoup moins denses, on a le temps de réfléchir voire de déconner un peu avec les étudiants. Ce mec s’avère sympathique, malgré son pantalon Dockers, ses mocassins et sa petite chemise réglementaire. Ça m’amuse de comparer son look à ma barbe hirsute, ma vieille veste Adidas bleu ciel et mes baskets dégueulasses… Mais ça fonctionne bien. J’interviens de temps en temps pour faire mon matheux, on se complète assez bien, c’est tout à fait cordial.

Après il s’en va, c’est la pause avant mon tour de piste. Les étudiants sont épuisés, donc épuisants tellement ils miment à merveille la limace baveuse neurasthénique. Je fais ce que je peux. À la fin je parle avec deux d’entre eux de ce rythme d’enfer qu’on leur impose en maths. Ils acquiescent. Et de leur confier à mi-mots mon inquiétude sur l’efficacité de ce type d’enseignement. « Oh, ça va, au moins ce qui est bien avec vous, c’est que les TD sont clairs. Sans vouloir vous faire de compliments. »

Littérature de pédé

Allez, fini la littérature de pédale, on se lance dans quelque chose de plus consistant. Farkas m’avait prévenu que ce livre me plairait. Effectivement, j’ai lu avec enthousiasme les premiers chapitres des Faux Monnayeurs de Gide. Je suis vraiment séduit, comme cela m’est rarement arrivé. Je suis impressionné par la galerie de personnages, la sensibilité et la justesse des descriptions psychologiques, l’intrigue romanesque assez flamboyante sans verser dans la mièvrerie. Et puis il y a cette langue si riche. Et la focalisation, qui devient une intrigue à elle toute seule, d’abord on ne s’aperçoit de rien, puis on se rend compte que le narrateur a un ton étrangement extérieur au récit, et puis, coup de théâtre, une vertigineuse mise en abyme… Ce n’est pas pour rien que l’on doit le terme à Gide !

Je n’avais encore rien lu de lui. Un peu comme pour White, je dois avouer m’y être aventuré pour avoir une idée de sa vision de l’homosexualité. Si cette fois ce n’est pas de la littérature de pédale, c’est de la littérature de pédé, quasiment au sens étymologique du terme. Il me tarde de voir ce qu’il adviendra de tous ces jolis adolescents et de leurs soupirants un peu plus mûrs ; si cela éclairera de manière intéressante ma propre expérience. Quelque chose me dit que j’en reparlerai bientôt.

Pas envie…

… d’écrire ce soir. Fatigue.

Névrosectomie

La nuit dernière, j’ai fait un rêve singulier. Quelques mois après, il s’y rejoue ma toute dernière séance avec le psy. Le décor n’a rien à voir avec le décor coutumier, on se trouve dans un bureau crasseux, mal éclairé, le genre de pièces poussiéreuses qu’on trouve dans les tréfonds de la fac. Il est derrière un bureau grisâtre, je suis vautré sur une chaise. On parle du blog. Hedwig and the Angry InchÀ un moment, il me dit qu’il est fier de moi, que j’ai fait des progrès impressionnants. Et là il se passe un truc bizarre, tellement violent qu’il me réveille à moitié, et que je ne sais plus très bien si je suis encore dans le rêve ou non. Mon corps est parcouru de spasmes violents, une sorte de crise d’épilepsie. Dans le rêve je sens que je bascule à l’horizontale, et une part de moi se détache, comme si un spectre qui m’habitait s’extrayait brutalement de ma poitrine. La forme laiteuse se laisse observer un instant puis se dissipe. Le calme revient, je reparle avec le psy, qui prend un air de « Vous voyez, je vous l’avais bien dit ». Et à mesure qu’on parle, il ressemble de plus en plus à un trav, une sorte d’Hedwig, mais aux boucles brunes, sur-maquillé, une ombre de barbe sur le visage et un rouge à lèvres écarlate.

Je me suis réveillé peu après, avec l’impression que j’étais autre, qu’un basculement s’était opéré, fasciné que j’étais par l’intensité de ce rêve. Je n’en saisis pas vraiment le sens — mais que peut bien représenter ce spectre ? — mais au moins il semble confirmer que j’avais bien transféré ma mère sur mon psy. Pourtant ma mère n’a pas grand chose d’Hedwig à première vue. À première vue…

De l'abstinence selon °g°erboise-----*

J’ai reçu ce matin un gentil mail de mon ami DT, lecteur assidu de ce blog. Dieu merci, il n’est pas fan de Syd Matters, il continuera sans doute à me lire un peu… Il se gausse de mon vœu d’abstinence pour un mois, et me demande s’il s’agit de me prouver quelque chose, et si c’est pour en faire le scénario d’un film genre Trente Jours et Trente Nuits, avec comme sous-titre “°g°erboise-----*, pédé, 25 ans, fait le pari de passer un plein mois sans toucher une queue autre que la sienne, mais tous ses copains vont tout faire pour le faire craquer… ”. Et de me demander ensuite si je parviendrais à résister à Laurent.

C’est oublier bien vite que le message s’intitulait Malhonnêteté, et que la Vérité est ailleurs.

*

Le temps de l’après-midi invitait à la promenade, avec cette splendide lumière d’automne. Thème du jour : « les hauts lieux de la culture gaie : le Bois de Vincennes ». C’est un lieu de drague archi-connu que je n’avais pourtant jamais arpenté en solitaire. Lapin m’avait fait le tour du propriétaire au printemps dernier, mais ça allait trop vite et ce n’était pas assez carré pour ma petite tête, alors j’étais complètement paumé. C’était quand même un après-midi charmant pour d’autres raisons, et je sentais que cela me ferait plaisir de retourner sur les lieux.

Métro Château de Vincennes, Gorillaz sur les oreilles, l’esplanade du château, Route Dauphine, je coupe le Pod, je contourne la réserve ornithologique, Allée Royale, puis à gauche, Tata Beach numéro 1, avec ses corps très pédés offerts au soleil, en slip, par un, par deux, par bandes de copains, qui se frôlent, se tripotent (salauds, je vous déteste !) avec plein de vélos et de tenues de sport, et avec les chiens des hétéros qui laissent des cadeaux dans les herbes hautes. Je m’amuse comme un petit fou, je mate effrontément, je reluque du côté des bosquets sur le mode « Ouais, ouais, je suis pas né de la dernière pluie, je sais bien ce que vous allez faire là-dedans ». Un grand mec, assez tapiole avec son fute Adidas en polyester gris crème à bandes bleues, m’a repéré ; il se met à me suivre, à me dépasser en feignant le footing tandis que je repars sur l’Allée Royale, puis va se vautrer dans l’herbe le temps que je le rattrape. Je bifurque pour découvrir Tata Beach numéro 2, là je me pose sur la pelouse au soleil, à distance respectable de tout objet libidineux, mais mon poursuivant lâche l’affaire et disparaît.

Maintenant que j’ai en tête la géométrie d’ensemble, je m’aventure dans les sentiers. On y trouve surtout des vieux, dont un totalement collant que je dois rembarrer d’un ferme mais détaché « Je ne suis pas intéressé ». Un autre se tripote à travers son jogging Décathlon en coton gris ; joli pantalon, mais je passe mon chemin.

Je tombe sur une racaille (« Aaaaaah, enfin de l’action ! »), moins jeune qu’on aurait pu l’espérer, look impeccable, les baskets qu’il faut avec le jogging qu’il faut, le crâne à peu près rasé, bronzé, la casquette. De loin on dirait un rebeu, mais ses yeux sont bleu pétant : ah ben ça doit être un céfran, alors. On joue à cache-cache – terrible d’aimer encore ça à nos âges – mais il se touche bien trop souvent l’entrejambe pour ne pas être intéressé. Évidemment, que fait °g°erboise ? Elle vérifie que sa braguette est bien boutonnée, bien entendu !

On s’aborde : « Il y a trop de monde ici, ça t’dérange si on va à l’autre bout là-bas ? — Non, je connais pas l’endroit de toute manière. » Mais en fait il y a du monde partout, ça ne convient jamais. On sort des fourrés, on attend comme deux gros bêtas à la croisée des chemins. Et là je me souviens que je ne veux pas que ça aille plus loin.

Petit intermède publicitaire pour un charmant confrère…
(lien rompu, pointait sur un petit poème parlant de blennoragie)

Je lui file mon numéro. Je ne lui demande pas le sien, je n’ai pas envie qu’il me consterne en refusant de me le donner. Il s’appelle Jean, soit disant. On se serre la main, il rentre chez lui. Moi je repars faire un tour.

De retour aux Buttes : les civils

Je fais un tour aux Buttes. Abstinence oblige, il s’agit surtout de profiter du beau temps. Je passe sur le lieu de drague, pour observer. Un vieux a dû défaire sa braguette devant deux mecs à capuches qui se sont révélés être des flics en civil. S’en suit le rituel habituel, pathétique. Les menottes, l’attroupement d’agents autour de l’homme, l’interrogatoire, la leçon de morale, le départ pour le poste.

À quelque distance de la scène, les mecs se regroupent, sur leurs gardes. Les langues se délient, comme souvent après les coups de filet. C’est la première fois que nous les voyons en civil. Je m’interroge d’ailleurs sur la légalité de cette interpellation. Peut-être que les lois Sarkozy sont passées par là. En tout cas l’esprit Sarkozy a marqué les pratiques des policiers.

Il se dit qu’ils ont eu la consigne d’« éteindre » le lieu à force de patrouilles. Je n’ai pas d’états d’âmes lorsqu’ils embarquent ceux qu’ils trouvent le pantalon sur les chevilles. Attentat à la pudeur, c’est la loi, la règle du jeu. Mais les mecs qui fréquentent ce lieu évoquent des manœuvres d’intimidation qui me crispent.

Les mecs les moins à l’aise dans leurs pratiques, notamment maghrébins, sont régulièrement contrôlés. Ceux qui attendent assis sur les pierres ou debout dans l’escalier doivent justifier de leur présence. Parfois, on leur demande même s’ils sont homosexuels. On leur explique que circuler dans les buissons est interdit, alors qu’aucune barrière ne barre l’accès aux sentiers, qui sont de plus équipés de poubelles. On les exhorte à aller dans le Marais, en leur expliquant que leur place n’est pas là.

Il est de bon ton de se rappeler que, tout homosexuel et tout dragueur que l’on puisse être, on en conserve un certain nombre de droits élémentaires. La liberté de nos mouvements, par exemple. Celle de profiter d’un endroit du parc comme bon nous semble, tant que la décence est respectée. Cela interdit certes de baisser son froc, mais pas d’aborder quelqu’un dans l’idée d’aller s’amuser ailleurs. À moins que cela ne soit assimilé à du racolage, allez savoir.

Tracer la frontière entre ce qui est licite et ce qui ne l’est pas me semble délicat. Les policiers outrepassent-ils le cadre de leur mission de maintien de l’ordre public ? Question épineuse, sur laquelle j’aimerais avoir l’avis de personnes plus compétentes que moi. Mais j’ai tout de même l’impression que les pédés sont des cibles privilégiées, et que la défense de l’ordre moral est un enjeu non négligeable. Sans compter les amendes récoltées à peu de frais que cela représente.

Edmund White, La Tendresse sur la Peau

Edmund White, La Tendresse sur la PeauAprès Un Jeune Américain, deuxième volume de la trilogie auto-biographique de l’écrivain… américain. Où comment se construire une vie de pédé quand on vient du Midwest. Après un premier tome poussif, le deuxième m’a semblé plus intéressant, même si l’extase n’est pas toujours au rendez-vous.

Étonnamment, ce ne sont pas tant les épisodes scabreux du bouquin qui m’auront séduit : peu d’empathie à la lecture de ses cabrioles dans les toilettes en tout genre, léger ennui face aux quelques scènes de sexe parsemées dans le récit. J’étais plus curieux dès qu’il s’agissait de voir comment, il y a quelques décennies, l’homosexualité était communément dépeinte comme une maladie, en particulier par ceux qui en étaient « atteints ». À froid, cela peut paraître une évidence, mais l’expérimenter au fil de la lecture fait naître une drôle d’impression d’étrangeté. De même, je me suis surpris à trouver les folles assez pathétiques, alors qu’elles me fascinent d’habitude… Peut-être est-ce dû à l’homophobie intériorisée de l’écrivain lui-même. Il peine à se voir autrement que comme un malade.

Se voir comme un malade… quand j’étais ado je me voyais plus comme un marginal potentiel, une sorte de délinquant, que comme un malade. Il s’agissait de me réformer (pour plaire à Maman, sans doute) plutôt que de me soigner. Je ne sais pas encore dans quelle mesure la nuance est pertinente, mais elle m’éloigne du récit de White.

Lentement, laborieusement, l’écrivain semble s’affranchir de la vision pathologique de sa sexualité, à la faveur de rencontres plus sentimentales et d’un événement historique de l’affirmation homosexuelle, relaté en fin de roman. Lorsque les portraits se font plus précis et nuancés, je m’implique plus dans la lecture. Et lorsque que White dépeint avec justesse et simplicité comment il tombe amoureux, je reste songeur et envieux, incorrigible sentimental que je suis. Reste à lire le troisième tome…

New Pretoria, Laura Veirs et Syd Matters…

… sont dans un bateau (à la Cigale), qu’est-ce qui surnage ? Déjà mes petites fesses, assises au doux pendant tout le concert, c’est déjà ça.

On commence par New Pretoria. Une bande de petits jeunes qu’on dirait à peine sortis du lycée, look jean-baskets-tee-shirt, un peu godiches. Un grand blond, cheveux longs, queue de cheval, voûté sur son clavier ; un guitariste à l’adolescence banale, qui s’excite devant le synthé pendant un morceau ; un joli brun en guise de chanteur, assez tombeur, belle voix mais qui n’ose pas s’en servir. C’est bien gentil tout ça, mais juste quelques balades pas passionnantes, rien de bien marquant. Au suivant !

Arrive sur la scène une grande gamine à couettes blondes. Pour une gamine, elle a quand même la trentaine : Laura Veirs, accompagnée de ses trois musiciens quadragénaires (claviers, basse, batterie). Elle tient du gerboisidé, elle sautille sur ses chansons, petite fille espiègle et capricieuse. Elle s’adresse au public, détendue, et fait des pitreries. Sur Spelunking, elle explique qu’elle ne veut pas de lumière (No light at all, please, this is a song about cave exploration, what we call spelunking in America) avant de chanter éclairée par une diode bleue fixée sur le front. Au moment d’entamer Galaxies, elle dégaine un flacon de paillettes et s’en tartine le coin des yeux, puis s’en va barbouiller les membres de son groupe et propose ses galaxy sparkles au public. Mais attention, il faut lui rendre le flacon (We stole it in Dublin, so bring it back to me afterwards, instead we’ll have a bad reputation in Dublin). On retrouve des chansons folk toutes simples, sa voix rugueuse surprend juste ce qu’il faut pour maintenir l’attention. Les arrangements sont jolis, jazzy et mélancoliques, plus énergiques que ce à quoi je m’attendais : c’est une bonne surprise. De très jolis moments, sur Rialto le public frappe des mains, parfaitement en rythme, enthousiaste. C’était pourtant casse-gueule de débarquer en ne jouant que des titres du nouvel album, que je ne connaissais pas. Hé bien c’est un sans faute, je suis comblé et larmoyant alors que leur prestation se conclut sur l’unique concession à l’album précédent (Rapture, you want Rapture… I know, this is the song all the French adore… Just be patient, you’ll have it a bit later…). Un concert simple, sympathique, parfois touchant. Ils reviennent au printemps.

Enfin nous arrivons à Syd Matters. Je les attendais au tournant, ceux-là, le premier disque donnait déjà dans la pop un peu cucul, le suivant avait l’air carrément chiant… Ben c’est dur de passer après Laura Veirs quand on a un charisme de potiron. Certes, c’est mignon, doux, aérien… Blah blah blah. Les chansons sont interminables, collages répétitifs de motifs en eux-mêmes pas désagréables, mais agencés sans aucun sens dramatique. On ne sait pas où ça va, et on s’ennuie ferme. Et ce n’est pas la voix monocorde du chanteur qui va nous réveiller. Seuls surnagent de cette prestation assommante la version énergique de Stone Man et le final déchaîné. Las, même les montées en puissance sont mal gérées, on se retrouve vite dans une sorte de bordel sonore pas franchement transcendant… Il y avait pourtant quelques fans hystériques pour beugler le nom du chanteur, et les applaudissement furent assez nourris. Cela me paraît bien surévalué, tout ça.

Malhonnêteté

Tout à l’heure, de passage chez Luke, voilà qu’il me dit :

« Ton blog va avoir du succès : tu y parles de sexe.
— Oh, tu exagères, je n’en parle pas tant que ça.
— Juste un post sur trois, et puis Laurent, c’était quoi ?
— Mais je ne dis presque rien, il n’y a pas les détails…
— Peu importe, les gens, « une main au paquet », ça leur suffit tu sais…
— Ah, tu veux dire qu’avec ce blog je vais encore passer pour la pire traînée ?
— Ben… »

Ahem. Bon, c’est décidé : un mois d’abstinence.

L’inventaire se poursuit

Samedi je mangeais dans un restaurant japonais où je vais parfois, sur la rue de Belleville. Un couple s’arrête devant la vitrine. Le garçon est joli, le type méditerranéen, la silhouette élancée, le cheveu ras. Il me rappelle un plan qui commence à dater, un mec que j’avais trouvé très joli, assez sexuel, mais difficile à joindre et à revoir.

Le soir, après avoir soufflé les bougies, je m’endors paisiblement. Une heure plus tard, mon portable sonne. SMS.

« Alors, comme ça on mange japonais le samedi soir ? :-) S.
— Je me disais bien que c’était toi… Que deviens-tu ?
— Bien ! Et toi, les amours ?
— Calme… Rien à signaler ! Et toi, tu t’es mis aux filles ? C’est la nouvelle tendance automne 2005 ?
— Copine ! Elle ne pourra pas assouvir mes envies de sex
— Hé hé… C’est là que j’interviens, c’est ça ?
— J’attends la proposition ! Pas ce soir
— Ben écoute, le souvenir était bon, même s’il s’éloigne peu à peu… Je vais dormir, on en reparle, joli cœur ?
— Biensur ! Propoz ! Bonne nuit »

Je coupe mon téléphone, je vais me recoucher. Le week-end passe. En fait cette histoire m’a bien chauffé. Aujourd’hui j’envoie :

« Un soir de semaine ? Chez toi, chez moi ? Autre chose, autrement ? »

Petit exercice débile comme je les aime (II)

Allez, mes chéris, le fin mot de l’histoire. Je suis agréablement surpris de voir que mon petit exercice à la con en a intéressé quelques uns…

Pour répondre à inside, l’aléatoire sert à modéliser le moment où Duschmoll a fait ses gosses. On y a recours parce qu’on ne sait pas précisément quelle a été l’issue de ses deux procréations successives. Sans information supplémentaire, elles auraient pu conduire à quatre résultats quant au sexe de ses bambins : FF (deux filles), FG (une fille puis un garçon), GF (un garçon puis une fille) et GG (deux garçons).

Ces résultats sont tous équiprobables, ils surviennent chacun avec la même probabilité. Je néglige ici les enfants intersexes et le fait qu’il naît un peu plus de garçons que de filles (par pitié, les hystéros de la précision statistique et les miltantEs planquéEs dans les fourrés, pas taper, merci ;-).

Comme on sait que Duschmoll a une fille, cela élimine juste la possibilité GG. Il nous reste donc trois possibilités, toujours équiprobables : FF, FG et GF. Et parmi ces trois-là, il y en a deux où l’autre enfant est un garçon, d’où cette étrange probabilité de 2/3.

L’affaire aurait été différente si, en plus de savoir que Duschmoll avait au moins une fille, on connaissait son rang dans la filiation. Si on dit « M. Schmolldu a deux enfants dont l’aînée est une fille, quel est la probabilité que l’autre enfant soit un garçon ? », là, la réponse est 1/2.

Le sexe du premier enfant est bien indépendant du sexe du deuxième. Cela signifie intuitivement que, si l’on sait quelque chose sur le sexe du premier enfant, cela ne dit rien sur le sexe du second. Le hic dans la question initiale, c’est qu’on ne sait pas si on détient une information sur le premier ou sur le deuxième enfant : on sait juste qu’il y a une fille parmi les deux. C’est cela qui « casse l’indépendance ». Dans ce cas il faut se méfier de l’intuition, et manier les probabilités conditionnelles avec précaution.

Chaleurs d’hiver

Ce soir l’hiver habille la rue qui me mène chez Fillette. Une fine bruine virevolte, graisse les trottoirs et les vêtements. La lumière des réverbères traverse le nuage, diffuse, et réchauffe la nuit déjà noire. Il flotte un air de fêtes de fin d’année, de familles et de cadeaux derrière les vitres des salons.

Je suis vautré sur la chaise de bureau, lové au fond de la chambre mansardée. Devant l’ordinateur, j’abandonne peu à peu le chat pour m’offrir religieusement à ( ), l’album de Sigur Rós que mon frère vient de m’offrir pour Noël. La lampe halogène brûle la pénombre de ma défunte chambre d’enfant et d’adolescent.

Dans la vieille baignoire en émail blanc cassé par les années, je prends le bain rituel du samedi. Je suis enfermé dans la salle de bains, lieu à jamais disparu, vestige démoli de ma puberté balbutiante. L’eau chaude embue patiemment les glaces surplombant le lavabo. Dans la cuisine où s’affaire ma mère, j’entends siffler la cocotte minute qui cuit les pommes de terre pour la raclette.

Après la dernière partie de dominos, une fois le bonbon Vichy sucé avec délices, ma grand-mère m’a couché dans le cosy de la chambre du haut. Dehors l’hiver déchaîne ses rigueurs sur le village. Je l’entends hurler derrière les rideaux. Le feu dévore quelques bûches dans le petit poêle en fonte. Les flammes dansent sur le parquet, s’étouffant peu à peu. Je me blottis contre le meuble, là où les draps glaciaux plongent dans des profondeurs insondées.

En cette journée d’automne, nous sommes rassemblés autour du feu, sous la bâche clouée à la hâte sur les sapins pour nous protéger de l’averse. Nous venons de terminer un pan de mur de la cabane, et nous goûtons cet instant de répit en brûlant quelques herbes sèches. Les filles fument de la clématite. Marina illumine ce moment volé à l’intransigeance maternelle. Sans me l’avouer, je ne suis là que pour elle.

Dans cette chambre glaciale, le système d’aération souffle ses murmures. Au dessus du lit dansent les fantômes, épiant la nuit où nos corps se trouvent pour la première fois, sous les couvertures. Stéphane, Nicolas F., Nicolas C., Clément, Yann, ils sont tous là, à nous observer dans notre ivresse, en ricanant.

La fatigue de la veille m’attire vers le lit. Lumière tamisée et chevrotante, musique douce, soirée romantique avec l’éternel absent. Je fredonne Pooka en m’abandonnant au repos. Sur Ti Ki, Sigur Rós m’extrait de ma torpeur lorsque les nappes mélodiques émergent des scintillements de boites à musiques. Songe de ces jours-ci, Nothing flotte dans mon salon. Deux photophores, un bleu électrique et un pourpre ; mon amour et ma haine pour lui. Je souffle les bougies et je vais me coucher.

Mort au Jeune

J’arrive avec Fillette grimée de son rouge à lèvres, on retrouve les normaliennes qui attendent devant le Pulp. À l’intérieur, LeFaune en star du disco, SnoopDog dans un jean baggy qui lui va bien, ShiningRubis cachée derrière des poufs empilés : Les _The_Bigger_Splashes_ s’affichent en portraits cartonnés taille réaliste. Le Pulp se remplit de connaissances et de gens de Gay Attitude. Je croise (brièvement) Oli et son copain. Le blog plaît à Alias, ce soir nous parvenons à parler un peu. Plutôt que de danser je profite de mes amis, je fais les présentations. Certains se plaisent.

Le désir émerge de la soirée sous les traits d’un « brun à petite tête ronde ». Un corps robuste, viril et sensuel. Une agitation frénétique, extravertie, un peu folle, ce garçon a l’air délicieusement jeté. Je lui fais remarquer qu’on a la même ceinture rouge de pouffe ; il retire la sienne pour en fouetter Farkas. Il a un certain talent mais cela reste surfait. Il m’intrigue et me terrorise à la fois. Je l’observe, immobile. Regards non équivoques, à moins qu’ils ne le soient, justement. Farkas est intéressé, et cela semble réciproque, alors je passe mon tour. La photo de l’ex de Nothing me passe plusieurs fois devant les yeux. Inquiétante obsession que j’exorcise en la tournant en dérision.

Un peu plus tard, Farkas et le garçon s’isolent pour bavarder. Je les épie de loin, un peu jaloux. Je chope Farkas en aparté : « Il t’a dit comment il s’appelait ? — Non, mais il est sur Gay Attitude, et en fait je connaissais son blog. — Ah oui, lequel est-ce ? — MisterPatate. — Merde, c’est lui. »

Je me console dans les bras de mes amis. Je cherche le contact, dans le bavardage ou le silence. Il est doux et rassurant. L’idée du sexe est omniprésente, évanescente, lointaine. Luc, Farkas, Mathieu… J’ai une pensée pour Édouard, il me manque.

La soirée se vide peu à peu au cours du set d’Avril. La piste est libre pour la musique que je connais, lourdement efficace. Regarder LeFaune danser est toujours un plaisir. Je bouge un peu, sans grande conviction, même si par moment je bondis en rythme. Il faut bien profiter.

Quelque part, tout ça c’est fini.