°g°erboiseries*

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Moi, toi et tous les autres : « Back and forth. Forever. »

Moi, toi et tous les autresOn se donne une galerie de personnages dans une banlieue américaine, et on les regarde s’entrecroiser au gré du hasard. La plupart d’entre eux se comporte de manière incongrue, ce qui donne lieu à de multiples saynètes qui font sourire avec tendresse de ces doux dingues, constamment à côté de leurs chaussures. Les acteurs sont plaisants, ils savent être beaux, touchants dans leurs fêlures. Un film gentillet ? Certes non, il y flotte une fausse légèreté : l’absurdité apparente de ce qui s’y trame lui donne une consistance.

Le rêve éveillé tient une grande place, les silences sont éloquents. Beaucoup de matière passe par le non-dit, hors du discours des personnages. Les personnages rêvent leur vie, rêvent la vie des autres autour d’eux. Je suis frappé de voir combien ce film parle du virtuel comme je peux parler des chats (d’ailleurs éléments du film). Chaque personnage vit dans son propre monde, réalité modulée par les fantasmes qu’il y projète. Partant, on nous montre la difficulté de la rencontre, où les imaginaires se contredisent (et sont contredits par la réalité), créant la surprise, parfois le dépit. La sexualité, qui traverse le film de part en part, se joue constamment hors du cliché de la fusion des êtres : les personnages n’y partagent jamais la même aventure, y cherchent des choses radicalement distinctes ; certains sont victimes de malentendus, bernés par leur imagination trop téméraire.

Le film aurait pu s’arrêter au constat mélancolique de l’impossible communication entre les êtres. Il n’en est rien. Passée l’incompréhension, naît du choc des subjectivités la possibilité de grandir, de saisir l’inattendu comme un enrichissement. La rencontre finit par se faire, parfois éphémère et fragile, mais elle est tout sauf stérile. Cela donne lieu à de très jolies scènes ; la directrice du centre d’art contemporain qui rencontre son chat-mate pour le moins déconcertant ; le fils de parents séparés et la petite fille bien pressée de s’imaginer mariée ; le vendeur de chaussures paumé et la jeune artiste en proie au doute, dans sa folie douce.

De la même manière, le spectateur est invité à rencontrer chacun des personnages, dans une empathie singulière, et à partager leurs éternels allers et retours entre auto-fiction et réalité. Cela fonctionne étonnamment bien. Très beau moment que ce film.

Chronique fébrile

Je me disais que je faisais un peu ma chochotte, à rebrousser chemin comme ça aux Halles, sur la route pour °O°rsay, décidant que je n’y arriverais pas ; à appeler mes collègues pour dire que j’étais malade et que je ne surveillerais pas l’examen. Je me disais que j’étais une incorrigible drama, à manquer de chialer comme ça, entre deux pas minuscules, devant l’angoisse de la distance à parcourir pour rentrer. Et l’après-midi, j’avais un peu honte de m’affaler comme ça sur le comptoir du labo où j’apprenais que l’analyse d’urine ne permettait pas d’identifier ce que j’avais. « Euh, ça va ? demande la secrétaire. — Non. Je vais m’asseoir, je ne tiens plus debout. — Vous voulez un verre d’eau ? — Non, ça va aller, je vais chez le médecin dans une demie heure. »

Il avait fallu s’incruster dans sa liste de rendez-vous pleine à ras bord. Je l’avais senti un peu agacé au téléphone, « Encore un de ces emmerdeurs hypochondriaques » a-t-il dû se dire. Et c’est un peu ce que je pensais. Dans la salle d’attente, une heure passée, interminable avec mon mal de bide et mes tremblements fébriles. Puis la consultation. Au départ il me paraît froid, peu à l’écoute. Mais quand je sors tout a déjà changé. Il a consulté un collègue urologue pour être sûr de sa prescription, il m’a clairement indiqué la marche à suivre, il m’a indiqué un cabinet d’infirmiers où l’on me ferait les injections. « Désolé, je vais vous faire marcher un peu. Vous voyez le métro Télégraphe ? » Ça va, c’est à deux pas, même si je me déplace très difficilement. Ce soir j’aurai ma piqûre dans les fesses. Fini l’ibuprofène inapproprié, place au traitement de cheval ; deux antibiotiques, un anti-inflammatoire et de l’Efferalgan pour la fièvre.

Quand je rentre chez moi, j’ai 39°5, je suis épuisé et nauséeux. Je réalise que je n’ai pas eu autant de fièvre depuis bien longtemps. Je n’ai pas été si chochotte que ça. Je prends mon traitement scrupuleusement, et deux heures après je me sens déjà sensiblement mieux. J’annule toutes mes sorties, mon retour chez les parents. Ma mère s’inquiète, et commence : « Mais où est-ce que tu es allé choper ça, encore ? » Tout ce que je ne veux pas entendre. Je parviens à me faire remplacer pour mon TD. J’ai Farkas au téléphone, Lapin et Loutre prennent des nouvelles, s’inquiètent. Lapin laisse son portable ouvert, je peux l’appeler quand je veux ; il se propose en garde-malade. Ça fait chaud au cœur.