°g°erboiseries*

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Trafic

Les cartes de Paco semblaient prédire que je ne rencontrerais personne à cette soirée. Est-ce bien surprenant, en tout cas on peut à présent leur donner raison. Non que cette fête d’anniversaire fut insuffisamment détendue ou sympathique. Non, l’accueil souriant et chaleureux de Pynchon, que pourtant je connais à peine, fut rassurant d’entrée de jeu. Ces temps-ci, j’ai besoin de compagnie alors même que j’ai peur des gens, que j’ai peur de sortir de moi-même, peur de donner.

Pour parer le désastre qui s’annonçait, AC&P s’improvisait en maman panda, afin que je puisse me laisser promener, tranquillement blotti dans son pelage douillet. Avant d’arriver chez notre hôte, nous nous offrîmes une promenade nocturne dans ces beaux quartiers mortellement déserts, passant devant Sciences Po, nous menant devant le Flore, nous, avec son pack de Heineken et mon bonnet ringard, puis sur une petite place magnifique aux abords de la catho. Je réalise qu’au fil des mois, je me suis habitué à AC&P, au point qu’une intimité singulière a pu s’installer, et que sa simple présence est devenue rassérénante. Grande idée que de l’avoir invité à m’accompagner.

Au cours de la soirée, je traversai les parades de séduction en spectateur sceptique, vite effarouché par l’inconséquence de ces jeux faussement subtils. Alors qu’en toute innocence je passais un bras derrière le cou de mon charmant voisin de canapé, je me vis en mauvais acteur de teenage movie, nonchalant et peu convaincu. Peu après, un grand garçon m’abordait en m’expliquant qu’il lisait mon blog avec plaisir, point de départ d’une conversation fort agréable, un brin nostalgique, que j’aurais aimé poursuivre si je n’avais été si absent.

La fumée piquait les yeux, telle le souvenir de ce garçon, assis devant son piano, bouleversant à marteler ainsi cet air brouillon et enjoué, à conjurer comme il pouvait le deuil que nous partagions à l’époque. Quand on me fit remarquer mon air maussade, j’acquiescai mollement en invoquant la fatigue pour masquer mon trouble. Le moment du départ approchait et, à la suite d’AC&P, je pus prendre congé dignement, sans cette coupable impression d’échec et de fuite.

J’avais fait ce que je pouvais faire. Ce fut une bonne soirée.

Entracte

À la bibliothèque de maths d’°O°rsay, je suis tranquillement installé, le nez dans un bouquin. Sur ma gauche, du côté des étagères où sont entreposés les livres, un homme circule dans les allées. Quelques minutes plus tard, voilà qu’il se présente dans l’allée qui sépare les deux rangées de tables où je me trouve. C’est un Asiatique d’une trentaine d’années, en costume modeste mais appliqué. Partant de devant, il s’approche de moi à reculons, l’air absorbé, et finit par buter dans la poubelle disposée au pied de mon bureau. Pataud, il la remet en place comme il peut, puis continue son étrange procession jusqu’à une table derrière moi, où travaille un autre Asiatique. Là il fait demi-tour, revient sur ses pas, toujours le dos tourné à son chemin. Boum, dans la vitre du local de la photocopieuse. Il échappe à mon champ de vision. Blam, dans la porte de la salle de lecture. Je ne suis pas vraiment surpris, juste circonspect, plutôt tendre envers cette scène. Nous sommes chez les matheux, après tout.

Quand je quitte la bibliothèque, le fanfaron parcourt le couloir, assis sur une chaise à roulettes. Toujours à reculons.

Oubli en cours

Retour à la routine. Couché tôt, levé tôt, départ à l’heure pour la fac. Un peu de travail, deux trois nouveaux trucs de compris, assez pour s’enfuir. Maillot oublié, pas de piscine aujourd’hui. Retour à Paris, les Caves du Vatican dans le RER, Fleurissoire qui va y passer. Aux Halles, lire du Rémès, direction la Fnac. Tableau des concerts, Infadels en mars. Pas de Rémès en poche, tant pis. Envie de baskets, exploration du Forum, une boutique, rien, deux boutiques, rien, trois boutiques, la paire de New Balance qui remplacera les vieilles. Celles au museau de vieux chien noir, le poil ras blanchi par les années. Direction la librairie dans le Marais, rien. Métro, maison, corn flakes et coca. Thon, avocat, œuf dur, taboulé, vaisselle, dessert. 22h, au lit ?

Le fond de mon regard est triste. Je me demande comment je vais travailler. Comment je vais baiser. Non, comment je vais faire l’amour. Non, quelque chose entre les deux. Comment je vais être abstinent. Là, les crânes rasés me donnent la nausée. Et ce genre de chaussures en cuir râpé, un peu rondelettes, pas banales mais pas vraiment jolies non plus, ces chaussures de clown que je n’imagine qu’aux pieds d’un pédé, ces chaussures dans la rue, elles me font de la peine. Pour l’instant il n’y a plus personne à qui penser quand ça va mal, il va falloir s’y faire. Je vais m’y faire.

Je pourrais faire un blog, écrire une phrase à la _Snoop_ et conclure qu’il ne se passe rien. Mais ce serait plagier.

Hier

Ce qui est un peu rassurant, c’est que même après s’être tapé un bon paquet de mecs, on en apprend encore. La leçon d’hier c’était « Se prendre un râteau ». Aussi étonnant que cela puisse paraître, je crois que c’était la première fois que je me prenais un râteau dans les formes.

Il ne s’agit pas de me la jouer « D’habitude personne ne me résiste », hein. C’est juste que d’ordinaire, je déployais des stratégies d’évitement et que je ne m’exposais pas ainsi à me faire bouler. Ayant trop peur de la paire de baffes, je m’ingéniais à ne pas la provoquer. Souvent ça conduisait à du refoulement, de la résignation, ou alors à des tergiversations sans fin pour enfin conclure laborieusement « Il n’était pas disponible pour une relation ». Là j’y suis allé frontalement. Et je l’ai eue, ma baffe dans la gueule. Ça a un certain panache, tout de même.

Je me dis déjà que ce n’est pas plus mauvais pour mon ego. Dans cette histoire, le couillon c’est lui, moi je m’en sors en me disant qu’il est indigne de moi et que ses velléités amicales, il peut se les carrer là où je pense. Je sens que je ne vais pas être triste bien longtemps. Je m’emploie à me distraire ou à me réfugier chez les amis. Une petite balade sur les sentiers de Vincennes, un charmant repas chez Edou et Paco, et au réveil ce matin, cette compile de rock tantôt éthéré, tantôt enjoué, mais toujours nostalgique, qui me fait pleurer dans des délices sans fin. Elle s’appellera Hier.

Let’s just be friends ?

Hé bien non. Pas maintenant.

Il avait bien vu mes appels, la cour que je lui faisais. Il n’y avait pas répondu, en connaissance de cause. À partir du moment où ma demande n’était pas explicite, il n’avait pas à me repousser clairement, qu’il m’a sorti au téléphone.

Pourtant il pensait avoir été clair dimanche dernier. Son mail soulignait sa recherche constante de clarté dans les relations, clarté dans les mots à laquelle il se déclare tant attaché. Il a été clair sur tout, sauf sur la seule question que j’avais eu le malheur de lui poser implicitement, la seule que je me posais. Et dans ses actes, chasser l’ambiguité s’est révélé le cadet de ses soucis.

Et puis après tout, comme il dit, il n’a jamais prétendu être parfait. S’il m’a fait du mal, c’est ballot, mais c’est comme ça, je ne vais quand même pas aller l’accuser de quoi que ce soit. Il ne manquerait plus que ça.

Putain, mais quel lâche.

Vous allez voir ce que vous allez voir…

… encore une histoire qui va rakooner à mort.

Finding Out True Love is Blind

Me revoilà donc proche de l’hystérie amoureuse, dans toute son absurdité. Mauvaise nouvelle. Un SMS indélicat et tout un monde s’effondre. Il n’a pas envie de venir prendre le thé à la maison. L’affront suprême.

En parler avec tag est rassurant parce qu’éclairant. Pourtant ça fait mal d’entendre « J’ai l’impression que si ça avait dû se faire, ça se serait déjà fait ». Je prends le parti d’envoyer un mail au Garçon, concis, pas trop drama, avant d’aller faire un tour au Buttes.

Sur le chemin, je me dis qu’il y a tout de même des automatismes stupéfiants. Quand il n’y a pas de point de mire affectif, ou que les choses se barrent en couille, le recours universel c’est la drague. Il me faut une présence virtuelle, des gens à séduire, sinon je sombre. Une béquille émotionnelle.

J’arrive aux Buttes, les feuilles tombées occasionnent une transparence de bien mauvais aloi. En effet, le lieu est désert. J’en fais le tour lentement, en quête des étuis de capotes (qui jonchent le sol, effectivement). Je me pose contre le tronc horizontal d’un arbre presque déraciné. J’attends, pensif.

Pourquoi accorder tant d’importance à ce compagnon potentiel ? Pourquoi suis-je toujours si pressé ? Après tout, le bonheur se vit aussi dans le célibat, j’ai pu le voir de manière éclatante dernièrement, cette soirée avec tag, précisément, où d’après lui j’étais rayonnant. Le sexe dans le couple est pour moi un mystère insondable, pas forcément très attirant. Pourquoi cette quête éperdue de présence ?

Psychanalyse de comptoir, on va taper sur les parents. Le manque d’amour, tellement banal, pas forcément dans les faits, mais dans mon ressenti. Cette réussite scolaire si encombrante pour mes parents, cette mère qui me lègue ses angoisses et ne sait pas la tendresse, ce père qui me traite de femmelette et fait comme si les bulletins scolaires n’existaient pas. Le besoin perpétuel de reconnaissance, de séduire aussi. Tout en n’y croyant jamais, comme si c’était toujours voué à l’échec. Putain, je suis loin d’être con, je suis loin d’être moche, je suis loin d’être un psychopathe. Et je n’ai absolument pas confiance en moi. Une entreprise de sape aussi constante qu’insidieuse est à l’œuvre.

Un mec parcourt les sentiers. Moyen vieux, grand, à la fois rond et carré, cheveux ras, pantalon blanc de jogging à deux bandes, veste polaire rouge, petit bonnet noir. À deux épaisseurs de buisson de moi, il se plante sur ses deux jambes un peu écartées. Je ne vois pas son visage mais je sais qu’il regarde dans ma direction. Je fais pareil. Le bas de son pantalon s’agite en ondulant. Ma main descend dans ma poche. Putain, quelle idée d’avoir pris le gerbiPod, quelle conne. Il s’approche, s’arrête à mi chemin, se caresse la bite à travers le pantalon. Je l’imite. Il s’approche, m’attrape par le paquet. je reste adossé à l’arbre, à moitié assis, il est debout à côté de moi. Il a décousu une poche de son pantalon, on peut y passer la main sans le déshabiller, évidemment je ne me fais pas prier. Petite bite, circoncise, pas très pratique tout ça. Quelques grognements, ça n’a pas l’air de lui déplaire. Lui se débat avec mon foutoir de pantalon à poches pleines de bordel, cette braguette à boutons et cette ceinture tout à fait indispensable pour accroître encore un peu l’inconfort. Je finis par la retirer et la plier patiemment pendant qu’il essaie de me caresser. Un visiteur fait mine de mater, il nous dérange. Le mec s’arrête, me regarde, me fait un sourire, point fermé, pouce tendu vers le haut, je suis un top, un bon coup. Pourtant on s’est à peine branlé. Il s’en va. Voilà que j’ai perdu mon compagnon de jeu.

Un peu plus tard, un jeune mec habillé comme un sorbonnard coincé hésite. Il me passe deux ou trois fois sur les pieds, me regarde furtivement, sans s’arrêter. On finit plantés comme deux endives à deux mètres à peine l’un de l’autre. Je lance, détaché : « Pourquoi est-ce si difficile ? — Quoi donc ? — D’être ici, aujourd’hui ? — Je ne sais pas. — Le froid peut-être. — Et il n’y a personne. — En effet, il faut aimer la solitude. — Sur un lieu de rencontre ! — Oh, est-ce vraiment un lieu de rencontre ? Ce sont les solitudes qui se rencontrent. Ou on vient pour réfléchir. — Ah bon. — Tu viens souvent ici ? — Non, pourtant j’habite à côté. Trop de vieux je trouve. — Oh, pas tant que ça, regarde nous deux ! — Il faut bien tomber aussi. — Ou être patient. — Je ne le suis pas trop… Bonne journée, alors. Bonne réflexion. » Et il s’en va.

Je suis congelé, j’en ai marre de réfléchir. Il est temps de rentrer.

Trouble

Nicole est morte hier soir. Peut-être au moment même où j’écrivais ce texte qui parle d’elle. Ma mère vient de me l’apprendre.

Ce matin, dans le métro, dans la confusion du matin, je pensais à sa mort prochaine. Nous n’étions plus proches, ma mère l’était restée, mais pas moi. Pourquoi, alors que je ne peux plus rien pour elle, pourquoi y penser, pourquoi m’avancer au bord du gouffre et éprouver mon vertige ? Soudain la femme assise en face de moi se lève pour céder sa place. Une femme enceinte s’assied maladroitement, détendue, souriante.

Triste et banale réalité. Intolérable.

« Il lui reste combien de temps ? » Sur MSN, il y a comme un silence. Ma mère ne répond pas. « Est-ce que les médecins savent dire ? — Sans doute plus très longtemps. » Nicole va mourir.

*

C’est une amie de mes parents, une ancienne collègue de ma mère qui habite dans le village voisin. Elle a pris sa retraite il y a dix, quinze ans, je ne sais plus trop. Elle me connaît depuis que je suis tout gamin. Quand j’étais gosse j’allais jouer chez elle, et on allait se promener dans le bois, avec le chien. Elle m’apprenait à reconnaître les arbres. Elle me parlait de sa jeunesse, des garçons qui jouaient au couteau. Des œufs crus qu’elle avait dû gober pour guérir de la tuberculose. Je me rappelle aussi cette photo de classe jaunie qu’elle m’avait montrée un jour.

Comme chiens elle a toujours eu des boxers. Des femelles parce qu’elles tirent moins fort sur la laisse. La première dont je me souvienne s’appelait Laïka, elle était méchante, une vraie terreur, elle devait l’enfermer quand elle avait du monde. C’était du temps où elle vivait encore avec son père, un immigré russe qui avait fuit la révolution de 17. Elle est restée vieille fille ; quand son père est mort elle est restée seule dans la maison. Une de ses amies venait souvent lui rendre visite. Avec Yvette elles se chamaillaient tout le temps, pour mieux se réconcilier avant de bouder à nouveau. Ma mère m’a dit qu’elles s’étaient brouillées, pour finir.

Nicole, mon frère, Dina et moi

Ce que j’aimais bien chez Nicole, c’est qu’avec elle on pouvait jouer. Elle aimait les jeux de société, ce qu’a toujours détesté ma mère. Alors que les grandes personnes bavardaient dans la cuisine, je me faufilais dans la salle à manger pour en explorer le buffet, espérant y découvrir quelque nouvelle boîte de jeu. Plus souvent j’allais jouer avec la chienne autour de la maison. La deuxième, Dina, était un bon compagnon de jeu. Comme tout boxer qui se respecte, elle bavait, je trouvais ça un peu dégueux. Elle était vive, prompte à la course effrénée, refusait de rendre la balle qu’il fallait donc lui extorquer, mais tout cela en restant douce, elle ne mordait jamais et n’aboyait pas plus. Elle s’énervait juste après les chats et les bombes de désodorisant, qui la mettaient dans des rages sonores. Rages absurdes qui suscitèrent de mémorables fous rires. Encore maintenant il me suffit de voir « Wizard » quelque part pour sourire comme un idiot.

Nicole était bénévole pour SOS Amitié. Elle écoutait la solitude, l’ennui, la détresse. Je me la représente comme quelqu’un à qui on peut parler. Pourtant je ne l’ai pas fait ; après l’adolescence le temps a distendu ma relation avec cette grand-mère d’adoption. Nous ne nous connaissons plus vraiment. L’année dernière elle me demandait encore si j’avais des copines à Paris. Pourtant, parfois je me dis qu’elle sait tout, et que le grand déballage aurait été inutile. Et tout cela me semble bien futile désormais.

*

Nicole va mourir. Je suis stupéfait de la dureté des mots que j’ai adressés à ma mère pour en parler. Peut-être s’agissait-il de m’épargner les habituels euphémismes, plus brutaux encore que réalité. Cette femme assiste impuissante à l’anéantissement de son propre corps. À l’hôpital, dans son état de faiblesse extrême, elle refuse la visite. À ceux qui vont la voir, elle ne parle plus. L’image me remplit d’effroi. À midi, en y pensant au réfectoire, j’en chialais dans mon assiette. Non, elle ne va pas s’éteindre, elle ne va pas partir, décéder doucement. Elle va mourir. Triste et banale réalité. Intolérable.

Ma mère nous avait dissuadé, mon frère et moi, d’aller la voir à l’hôpital alors que nous étions là, pendant les fêtes. Voir Nicole une dernière fois, lui dire quelques mots, lui tenir la main peut-être. Comme j’aurais dû le faire pour mon grand-père. Ou pour Estelle. Encore une fois je n’en ai pas eu le courage.

J’aimerais pouvoir prier pour elle.

Blogothéorie

« J’ai lu le °g°erbiblog dernièrement. Ça ne va pas du tout. On dirait que tu as 25 ans. »

Peter Rabbit.

Parfois, j’ai l’impression de faire un photo-blog.

Sans photo.

Grolsch & Yakisoba

Belle soirée avec Nothing, d’abord aux Ginettes où l’on croise Mathieu, puis dans ce bon restaurant japonais de la rue Chabanais. Dans le métro qui le ramène vers Austerlitz, il m’invite à Étampes. À Étampes il y a des courants d’air et des chiens qui mordent. Alors ce sera pour une prochaine fois.

Mystère

J’ai eu mon rendez-vous en cinq minutes, je peux rentrer chez moi pour y attendre Edou. Sur le quai de la ligne 11, j’aperçois un jeune homme dont je remarque la kippa noire, posée sur ses boucles brunes. Il n’est pas très grand. Les traits fins, le nez bien droit, il a un beau visage juvénile. De petits yeux gris-vert d’où émane une douce flamme d’intériorité et de réconfort. Je le dépasse. Nos regards se croisent, plus curieux qu’hostiles. Je ne veux pas trop fixer sa kippa, je détourne les yeux.

Le métro s’avance, deuxième voiture, je rentre en espérant pouvoir le regarder encore durant le trajet. Il vient s’asseoir dans mon carré, blotti contre la vitre. Petites baskets noires Asics, anorak flanqué d’un drapeau norvégien, sac à dos Reebok posé sur ses genoux. Par dessus il tient un petit coussin de velours noir brodé de motifs floraux argentés, coussin qui respire l’Orient, protégé sous sa housse plastique. J’observe ses mains aux doigts courts, sa peau légèrement grumeleuse, les quelques poils qui s’échappent de sa manche. Et à la dérobée, ses yeux, sans qu’il ne s’en rende compte. À travers la vitre, il est absorbé par les tunnels qui défilent, tout entier à une mystérieuse prière. Il entonne quelque litanie profonde et mélancolique dont les notes peinent à traverser le brouhaha du métro.

À République, son téléphone sonne. Quelques mots, et il se lève pour sortir de la rame.

Nouvel An 2006 : Sociabilité++

Moi qui ai du mal avec les soirées, voilà que j’en enchaîne une deuxième juste après l’Androgyny, de surcroît à l’occasion du Nouvel An, vite synonyme de mondanités creuses et chiantes. Mes réticences quant à la soirée de PatCo s’étaient cristallisées sur le dress code. Tenue de soirée, champagne, cravate noire. Pis quoi encore ? Je n’aime pas les dress codes, déjà que j’ai du mal à m’habiller, alors si en plus il faut s’imposer des contraintes… Je me suis décidé à la dernière minute. Chemise blanche, petites chaussures, pas de cravate ; compromis honorable d’autant que cette chemise me va bien.

À peine étais-je arrivé qu’on soulignait le plus élégamment du monde l’incomplétude de ma tenue. « Ça y est ça commence. Je vais repartir par le dernier métro, tu vas voir ça. Où est l’alcool ? Oh, un gin tonic, quelle bonne idée. » Mais bien vite j’allais réaliser que j’étais loin d’être marginal avec mes libertés vestimentaires.

Nouvel An 2006 : essai de lunettes

On m’affuble d’un chapeau, d’une paire de lunettes un peu voyantes (« Je les trouve un peu grandes » dira ma mère), ainsi on me prend en photo. Je passe la soirée dans les bras des uns et des autres, paisiblement éméché, spectateur de baisers qui se multiplient, un rien écœurants. On me parle de mon cul, aperçu à la soirée de la veille. On parle de la bite d’-alias-. Et aussi de ses amours et de celles de la Patate. Je répète que je n’ai rien d’un génie, et on s’offusque. Et les gens que je n’apprécie guère sont curieusement transparents, inexistants. La musique naze, plutôt que de décevoir, est prétexte à bavardages. Un SMS à Edou exilé pour une garde, mon seul SMS de bonne année. Quelques autres me parviennent, multi-diffusés ou plus personnels.

Quand on s’en va, avec –alias-, sa copine et la Patate, je me sens léger. Merci PatCo. À Belleville me voilà seul, et c’est à pied que je regagne les hauteurs.

Photo : tomyger