Les cartes de Paco semblaient prédire que je ne rencontrerais personne à cette soirée. Est-ce bien surprenant, en tout cas on peut à présent leur donner raison. Non que cette fête d’anniversaire fut insuffisamment détendue ou sympathique. Non, l’accueil souriant et chaleureux de Pynchon, que pourtant je connais à peine, fut rassurant d’entrée de jeu. Ces temps-ci, j’ai besoin de compagnie alors même que j’ai peur des gens, que j’ai peur de sortir de moi-même, peur de donner.

Pour parer le désastre qui s’annonçait, AC&P s’improvisait en maman panda, afin que je puisse me laisser promener, tranquillement blotti dans son pelage douillet. Avant d’arriver chez notre hôte, nous nous offrîmes une promenade nocturne dans ces beaux quartiers mortellement déserts, passant devant Sciences Po, nous menant devant le Flore, nous, avec son pack de Heineken et mon bonnet ringard, puis sur une petite place magnifique aux abords de la catho. Je réalise qu’au fil des mois, je me suis habitué à AC&P, au point qu’une intimité singulière a pu s’installer, et que sa simple présence est devenue rassérénante. Grande idée que de l’avoir invité à m’accompagner.

Au cours de la soirée, je traversai les parades de séduction en spectateur sceptique, vite effarouché par l’inconséquence de ces jeux faussement subtils. Alors qu’en toute innocence je passais un bras derrière le cou de mon charmant voisin de canapé, je me vis en mauvais acteur de teenage movie, nonchalant et peu convaincu. Peu après, un grand garçon m’abordait en m’expliquant qu’il lisait mon blog avec plaisir, point de départ d’une conversation fort agréable, un brin nostalgique, que j’aurais aimé poursuivre si je n’avais été si absent.

La fumée piquait les yeux, telle le souvenir de ce garçon, assis devant son piano, bouleversant à marteler ainsi cet air brouillon et enjoué, à conjurer comme il pouvait le deuil que nous partagions à l’époque. Quand on me fit remarquer mon air maussade, j’acquiescai mollement en invoquant la fatigue pour masquer mon trouble. Le moment du départ approchait et, à la suite d’AC&P, je pus prendre congé dignement, sans cette coupable impression d’échec et de fuite.

J’avais fait ce que je pouvais faire. Ce fut une bonne soirée.