°g°erboiseries*

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Mosaïque

Je sors du RER à Denfert, surpris de constater combien ma playlist Arno, Jimmy & Friends passe bien. Mon t-shirt American Apparel bleu ciel sur le dos, les détails de ma sacoche assortis, je marche et me déhanche sur Tiga, le casque sur les oreilles. Ce soir je me sens tellement William Geandarme Paris… C’est chez Antoine que je me rends, Antoine le collègue matheux dont je me sens le plus proche et qui m’a convié à sa fête d’anniversaire. Avant d’entrer, je fais le tour du pâté de maison pour m’accorder encore The Knife, We Share Our Mother’s Health.

La soirée s’annonce incertaine. Avec les inconnus, mes tentatives pataudes d’engager la conversation sombrent bien vite dans le médiocre mojito qui croupit au fond de mon gobelet en plastique. Certains matheux d’°O°rsay s’avèrent peu commodes à aborder. Il y a là des gens que j’ai déjà vus à la fac sans leur avoir jamais parlé, et d’autres amis d’Antoine, québécois, japonais, anglais, espagnols – mais pas un seul Colombien. Je commence à prendre peur, je pense qu’Anne-Laure a bien fait de se décommander mais je me promets de tenir bon.

Une jeune prof d’espagnol semble perdue ; elle est venue avec une amie et ne connaît personne. Elle parle de son métier avec passion et résignation à la fois. Elle avoue préférer les élèves de ZEP, pour qui elle se sent plus utile malgré l’ampleur de la tâche qu’ils représentent. Elle revient d’un festival de théâtre auquel elle a participé et me raconte ses projets de vacances en Andalousie. On sent la générosité mais aussi la fêlure qui la traverse.

Puis nous parlons de l’Allemagne. J’évoque le bon souvenir que j’ai gardé de ma semaine à Berlin avec Farkas, Audrey et AC&P. L’une des convives y a vécu un an, cela crée immédiatement un lien. Ensuite c’est Alex qui vient me parler. Ce garçon, je me souviens avoir fait « waw » le jour où il était entré à la bibliothèque après s’être fait couper les cheveux. De sa touffe de cheveux blonds, naguère coupée au bol et désormais élégamment taillée, avait émergé un jeune et joli Allemand, magnifique et souriant. Sur le chemin du labeur, je pourrai désormais lui dire bonjour avant de m’isoler à ma table de travail, un rien songeur.

Je craignais que la colloc hongroise d’Antoine ne m’ait pris en grippe la dernière fois que j’étais venu. Avec elle, je suis maladivement maladroit, constamment je la vanne sans le vouloir, ni parvenir à m’en empêcher. Elle affecte alors une mine boudeuse et peu amène qui me rappelle ces mémés hongroises irascibles dont Farkas m’avait parlé, celles qui menacent les jeunes gens de leur parapluie dans les transports en commun afin de se frayer un passage. Comme je l’espérais, son hostilité n’est que comédie ; Antoine et elle complotent déjà et se piquent de me marier : « La grande question de la soirée, me dit Antoine, c’est de savoir si tu es célibataire ».

Lors de mon arrivée, un autre garçon avait piqué mon attention. Aurélien me parle de ses études de japonais, animé d’un entrain juvénile tout à fait rafraîchissant. Amusé, je songe qu’il ressemble à Rakoon et que ces amateurs de Japon se ressemblent tous un peu… Il me parle de l’histoire de la langue, des idéogrammes, de la grammaire tandis que je plonge sans vergogne dans son joli minois de petit brun adorable. Je peine à rassembler mes quelques souvenirs d’arabe pour alimenter la conversation, pour ne pas qu’il s’arrête. La tension érotique ne cessera de croître au fil de la soirée. Je ferai pourtant la connaissance de sa copine, métis japonaise qui, quoique plus discrète que son copain flamboyant, se révèle vite d’une gentillesse tout aussi attachante. À eux deux ils me font découvrir ce qu’ils aiment de la culture japonaise, avec générosité, sans rien imposer, ils communiquent avec douceur et intelligence. À mesure que l’appartement se vide les conversations investissent des domaines plus personnels, et leur sensibilité ne se dément pas. Ils ont quelque chose de poignant, ils sont beaux. Je crois les avoir déjà adoptés.

Après l’orage c’est avec eux que je ferai un bout de chemin en bus. « J’ai été ravi… » esquissera Aurélien en me serrant la main. Pris au dépourvu je ne sais que répondre. Alors qu’ils descendent, je sens l’émotion m’envahir. Je remets mon casque. It was an Honnest Mistake beuglent The Bravery. Oui, je me suis bien trompé. Ce qui me rassure c’est que l’on apprend de ses erreurs.

Ça viendra…

… mais quoi ?