Spleen du matheux
lundi 17 octobre 2005, 18h57
J’aurais voulu écrire quelque chose en contrepied de ce qu’on trouve chez Juju actuellement. Dire que je ne comprends pas pourquoi les gens détestent les maths à ce point, alors que moi j’y ai trouvé un refuge pendant tant d’années, le plaisir sans cesse renouvelé de trouver un terrain intellectuel où la certitude était possible, à portée de mes moyens, que je me représentais si frêles et incertains. J’étais bon, très bon même, 20 au bac les doigts dans le nez, la prépa avec ses moments difficiles, mais quand même moins que pour beaucoup d’autres, sans compter l’heureux dénouement à la fin. J’ai fait la joie de mes profs, certains ont su faire la mienne également. L’apogée c’était en math sup. Sacré René, quel âge d’or quand même.
Et maintenant tout ça me paraît bien loin. C’est une lutte quotidienne pour me dire que j’aime encore les maths, celles qui devraient m’occuper désormais, du moins. Je suis un thésard médiocre, mon boulot m’emmerde à mourir. Parfois j’ai encore quelques éclairs quand je parviens à écrire quelque chose un peu joliment. C’est rare. J’ai l’impression de m’être planté de voie, et en même temps de ne rien savoir faire d’autre. Alors allez-y, dans ces conditions, pour aimer les maths à la place des autres, et aller porter la bonne parole.
Pourtant, j’aime beaucoup mes étudiants. J’ai envie de tenir le coup pour eux, malgré les doutes du côté de la recherche. J’essaie de me dire que former aux maths, quand elles sont élémentaires, c’est former à la logique, à la rigueur ; à l’esprit scientifique. Et ça, ça sert partout, pas que pour résoudre des problèmes de triangles à la con. J’aime leur expliquer quand ils ne comprennent pas, pour peu qu’ils veuillent bien jouer le jeu et qu’ils ne se foutent pas de ma gueule. Je me plais d’ailleurs à leur faire sentir que je comprends l’absurdité de certains exos. Mais souvent on n’a pas le temps, on a un programme à tenir. Alors ça m’arrive de perdre patience, de les brusquer un peu, surtout quand ils n’ont pas bossé et qu’on est tous crevés le vendredi en fin de journée.
Bref, je ne sais pas encore très bien ce que je fais là. Mais le prophète des maths, c’est la porte à côté, ça c’est sûr.