De retour aux Buttes : les civils
dimanche 9 octobre 2005, 20h16
Je fais un tour aux Buttes. Abstinence oblige, il s’agit surtout de profiter du beau temps. Je passe sur le lieu de drague, pour observer. Un vieux a dû défaire sa braguette devant deux mecs à capuches qui se sont révélés être des flics en civil. S’en suit le rituel habituel, pathétique. Les menottes, l’attroupement d’agents autour de l’homme, l’interrogatoire, la leçon de morale, le départ pour le poste.
À quelque distance de la scène, les mecs se regroupent, sur leurs gardes. Les langues se délient, comme souvent après les coups de filet. C’est la première fois que nous les voyons en civil. Je m’interroge d’ailleurs sur la légalité de cette interpellation. Peut-être que les lois Sarkozy sont passées par là. En tout cas l’esprit Sarkozy a marqué les pratiques des policiers.
Il se dit qu’ils ont eu la consigne d’« éteindre » le lieu à force de patrouilles. Je n’ai pas d’états d’âmes lorsqu’ils embarquent ceux qu’ils trouvent le pantalon sur les chevilles. Attentat à la pudeur, c’est la loi, la règle du jeu. Mais les mecs qui fréquentent ce lieu évoquent des manœuvres d’intimidation qui me crispent.
Les mecs les moins à l’aise dans leurs pratiques, notamment maghrébins, sont régulièrement contrôlés. Ceux qui attendent assis sur les pierres ou debout dans l’escalier doivent justifier de leur présence. Parfois, on leur demande même s’ils sont homosexuels. On leur explique que circuler dans les buissons est interdit, alors qu’aucune barrière ne barre l’accès aux sentiers, qui sont de plus équipés de poubelles. On les exhorte à aller dans le Marais, en leur expliquant que leur place n’est pas là.
Il est de bon ton de se rappeler que, tout homosexuel et tout dragueur que l’on puisse être, on en conserve un certain nombre de droits élémentaires. La liberté de nos mouvements, par exemple. Celle de profiter d’un endroit du parc comme bon nous semble, tant que la décence est respectée. Cela interdit certes de baisser son froc, mais pas d’aborder quelqu’un dans l’idée d’aller s’amuser ailleurs. À moins que cela ne soit assimilé à du racolage, allez savoir.
Tracer la frontière entre ce qui est licite et ce qui ne l’est pas me semble délicat. Les policiers outrepassent-ils le cadre de leur mission de maintien de l’ordre public ? Question épineuse, sur laquelle j’aimerais avoir l’avis de personnes plus compétentes que moi. Mais j’ai tout de même l’impression que les pédés sont des cibles privilégiées, et que la défense de l’ordre moral est un enjeu non négligeable. Sans compter les amendes récoltées à peu de frais que cela représente.
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