Laurent
mercredi 28 septembre 2005, 19h13
Je promenais mon spleen depuis deux bonnes heures dans l’automne dominical. Il débarque sur les sentiers, les parcourt énergiquement. Son regard est moins fuyant que l’ordinaire des buissons ; moins fuyant que le mien en tout cas. Un petit mec looké racaille, une petite tête ronde, un brun coupé tout ras comme ils savent me plaire. Une paire de Nike blanches faussement vintage, un jean pas trop banal, un sweat à capuche bien ajusté. Une petite boucle d’oreille. J’ose m’approcher, à tâtons, pas sûr de moi. Normal, il me plaît. Il ne bouge pas trop, remarquez il pourrait se casser ostensiblement sous mon nez. Une main au paquet, oué, trop cool, les présentations sont faites, maintenant va falloir essayer de le garder un peu.
Je n’arrive pas à défaire sa ceinture, il y a des moments où on se sent quand même super godiche. Alors, bon prince, il le fait pour moi. Il donne des signes de nervosité, il me fixe d’un air mi stoïque, mi joueur. Un petit animal craintif mais curieux. On retourne à nos affaires. Puis il me regarde à nouveau, et ainsi de suite. Pas un mot, sinon je sens trop qu’il va décamper. Les racailles ça s’effarouche pour un rien. L’intimité, ça les offusque vite. On n’est pas des pédés, merde.
Au détour d’un mouvement de poignet, le voilà qui dépose comme ça, à la sauvette, un petit bisou au coin de mes lèvres. Stupeur, douce stupeur, mais une seconde et demie plus tard je lui ai chopé la mâchoire et nous nous dévorons avidement. Les caresses sont donc permises, doux Jésus, je n’en demandais pas tant ! Mes mains au creux de sa nuque, sur son torse, autour de ses reins. Ma tête sur sa capuche, mes yeux dans ses baskets. Et ses baisers… il m’embrasse les yeux ouverts. Alors je fais pareil.
La fin approche dans des gémissements que je ne me connaissais plus. Un peu de tenue, bon sang. C’est sûr qu’il va s’évanouir dans la nature une fois le film terminé. Hé bien non, encore raté. « Je suis censé être allé au pain », qu’il me dit en souriant, un peu gêné. « Tu fumes ? » en me tendant une clope. Je savais bien qu’il fumait des Marlboro. Sans avoir jamais fumé de ma vie. On se quitte devant la mairie. Il me tend la main. Au revoir Laurent. Merci pour tout.