Je rentre de la soirée d’anniversaire d’Alicia. Les choses commencent plutôt bien : ma tenue ne laisse pas indifférent, le fondant au chocolat est délicieux, ainsi que les diverses sucreries régressives qui traînent sur le buffet.

Pourtant un sombre ennui ne tarde pas à me tomber dessus. Non que les gens soient tous hostiles et inintéressants. Certains viennent tenter de faire un brin de conversation, mais la plupart du temps, c’est infructueux. Rien ne sort. Je ne sais que répondre à PatCo quand il souligne ma mauvaise mine. Je ne sais que répondre aux regards avenants des inconnus. Je ne sais que répondre à Alicia quand elle me remercie d’être venu à sa soirée. Rien ne sort.

TTC consacre mon exclusion de cette petite société. Je n’ai jamais rien compris à ce rap geignard, maniéré et chiant. Les Black Strobe m’attirent quelques instants en bordure de la piste de danse. Charly les déteste, et je comprends pourquoi ; pour ma part le pilonnage lancinant de The Abwehr Disco m’a déjà conduit à l’extase douloureuse, où tout le pathos de mon existence poussive se dévoile lentement à moi dans des nuées vertigineuses. L’effroi n’est pas loin, je l’espère salutaire, mais les voix de cette conne de Brigitte Fontaine, surajoutées sur ce mix, me cassent mon trip. Il ne me reste que le côté fascisant de cette musique.

Les soirées sont fascisantes. On n’a pas le droit de s’y sentir mal. Plutôt que de vous laisser en paix, ou de vous prendre par la douceur, les gens vous rappellent constamment à l’ordre, s’il le faut au moyen de répliques désobligeantes, monnaie courante dans ce genre d’ambiance soi-disant sympathiques et détendues. Je me demande ce que je fais là, je me vois mieux dans un bar à cul crasseux. La communication y est plus facile. J’y suis plus à l’aise. Parfois j’y existe même.

Un peu plus tard passe Lovely Toy de David Carretta. Le rythme me rappelle l’urgence de danser. Mais mon corps s’y refuse. Je le tiens à distance dans la crispation. Je panique un peu quand un garçon, notoirement hétérosexuel, me caresse doucement le ventre alors que nous sommes allongés sur le lit. Plus tard, avec Arnaud, nous nous tripottons en jouant, comme d’habitude. Je ne sais que faire lorsqu’il me couvre de petits baisers, saupoudrés sur le crâne. Alors je couine et je le mordille. Je fais la °g°erboise. Répondre ? Où cela nous mènerait donc ? J’ai envie de tendresse mais je refuse de la prendre là où elle se dessine. Les gens ne comprendraient pas.

Je me rhabille, je me blottis dans la capuche de mon gros sweat et je rentre me coucher. Triste et soulagé.