L’arcane sans nom
lundi 6 février 2006, 23h07
Au tarot de Marseille, j’aurais tiré la treizième carte. Étrangement, ma vie actuelle égrène les deuils, symboliques ou littéraux, futiles ou plus profonds. Nicole bien sûr, et bientôt la grand-mère de ma cousine. Suivent les souvenirs. Estelle, chez mes parents ; Annie, quand je m’imagine futur enseignant ; Mathias, sur le campus, le long de la rivière. Les soucis pour mon père et sa santé désormais chancelante, ainsi que pour le père d’une amie. Il y a aussi mes lectures et ce que je vois à la télé. Encore ce soir, Les Corps impatients, et les échos de Son frère et du Temps qui reste. Il y a quelques semaines, ces êtres mourant sous nos yeux chaque soir sur Arte, une émission sur les soins palliatifs en Allemagne, cette institutrice à la retraite aux yeux si brillants, bouleversante de vie à la veille de sa mort. Le deuil de l’amour, du désir éconduit, la première ou la dernière fois, dans l’enfance, au lycée, il y a deux semaines. Le deuil de la sexualité, à l’heure où je dois m’assagir pour des raisons bien prosaïques, le deuil de ses sirènes trompeuses aussi. L’ombre mystérieuse de Dustan au détour d’un blog. Les photos de Guibert, Guibert qui mène à Pierre, et Pierre à son père. Entertainment de Thomas. Edmund White et ses amants défunts dans la Symphonie des adieux, enfin juste et touchant après deux tomes assommants. Cela va jusqu’à mon ordinateur qui décide de m’abandonner, ultime malédiction, bien dérisoire il est vrai.
Incontournable, la mort s’obstine, pour lors elle a décidé de rôder autour de moi. Pourtant jamais je ne me complais en sa funeste compagnie. Point de fascination morbide ni de pulsion auto-destructrice. Comme dans le tarot, la faux épargne les jeunes pousses, leur offre l’espace où s’épanouir, elle prépare un renouveau. Je sens que je me libère. Sérénité. Espoir.