Indolent, un peu morose, je traverse l’esplanade de Beaubourg. Les touristes et les Parisiens s’y chauffent sous un soleil déjà chargé de plomb. Deux garçons slaloment entre les corps, perchés sur des monocycles. Le premier a la jeunesse conquérante quoiqu’un peu crasseuse ; il avance d’une allure assurée sans craindre l’incident. Son comparse est plus maladroit ; ses maigres bras, d’où pend un t-shirt défoncé, préservent à grand-peine son équilibre improbable. Un peu plus loin, un amuseur public lève l’enthousiasme de la foule par quelque pitrerie. Une femme glisse sur la rue St-Martin, l’esquisse de son portrait à la main. D’un coup d’œil il me parait bien grossier. J’ai toujours eu peur de ces caricaturistes, allant jusqu’à prendre ombrage de leurs invitations à m’asseoir pour quelques instants. Au coin de la place Michelet, un vieil Arabe joue de son oud mais les notes trop discrètes échouent à percer jusqu’à moi. Elles sont couvertes par une trompette, un peu plus loin, qui termine sa phrase musicale. Mélodie connue, comme désagréable pour avoir été trop rabâchée ; mélodie incongrue, mélodie intempestive sur cette place bigarée, bondée en ce samedi ensoleillé.

Des militants de l’UMP distribuent des tracts pour leur candidat. L’une d’entre eux fait mine de me tendre deux tracts. Devant mon mutisme noir, spontanément hostile, elle se ravise bien vite. La trompette reprend. Au pied d’un grand drapeau qu’on peine à faire flotter, un grand échalas fait tonner la Marseillaise.