Je ne suis pas physionomiste. Un regard attrapé aux abords de la Maro, un regard au crâne chauve, au polo et au jean de pédé. Nous sommes-nous déjà rencontrés, joli monsieur ? Je l’observe bavarder au téléphone de l’autre côté de la rue. Trois siècles après, mais c’est bien sûr, c’était chez les Popingays… D’ailleurs en voilà un, de Popingay, et il se dirige vers le garçon-mystère. Pour finir je leur dis à peine bonjour, je n’aurai pas échangé deux mots avec le semi-inconnu. Il y a quelque chose qui déconne dans ma vie sociale.

Laura Veirs - Saltbreakers Mais on est là pour parler d’un concert je crois. Laura Veirs, (je peux t’appeler Laura ? oh, c’est trop cool de ta part), Laura donc, c’est ma copine. Et comme les vraies copines dans la vraie vie, parfois elle fait un peu la gueule, elle doit avoir ses soucis comme tout le monde. Elle fait sa mine préoccupée, elle boude un peu, elle fait moins de blagues que d’habitude. On se demande si elle s’est fait larguer ou si elle s’est engueulée avec son groupe, les nerfs, la chaleur de la salle, le stress des cordes de guitare qui pètent, tout ça. Enfin c’est pas trop grave, comme ça au moins on est en phase, ma copine et moi. Toujours ses belles chansons un peu tristes, tantôt contemplatives, tantôt pleines d’entrain, ici accompagnées de son groupe, les Saltbreakers récemment rebaptisés à l’unisson du dernier album, ces musiciens que j’aime beaucoup, avec leurs faux airs de nerds et leurs arrangements souvent délicats, jamais prétentieux. De cet album, presque intégralement parcouru, je retiendrai Wandering Kind, efficace, Ocean Night Song dont le triangle m’aura immédiatement terrassé ainsi que les balades plus tranquilles, Drink Deep, Nightingale et To the Country qui passent mieux que prévu en concert. Laura m’aura offert le plaisir de Shadow Blues, un de mes favoris absolus de l’excellent album Carbon Glacier. Du suivant, outre un Parisian Dream au final assez dispensable et un arrangement de Where Gravity is Dead qui m’aura laissé perplexe, Galaxies toujours très bon en live.

Tout au long du concert, j’ai l’impression qu’elle me regarde. « Dis-moi, °g°erboise, qu’est-ce qui ne va pas dans ta vie à toi ? » Oh, on va pas parler de ça ce soir… Ce qui me ferait plaisir, c’est juste Rialto, qu’on tape tous ensemble dans nos mains comme à la Cigale, tu sais le moment où je me suis dit ça y est, je suis amoureux d’elle... Et puis Wrecking, si je suis là c’est un peu pour pleurer, aussi. Et pourtant Laura s’en va, un peu précipitamment, toujours bécheuse sur les bords. Oh non, et Wrecking, alors ? Heureusement, les rappels sont chaleureux. « OK. One more song ! » Rialto ! À croire que le public a répété, il est en phase et martèle le rythme jusqu’à la toute fin de la chanson. Voilà notre Laura presque impressionnée. Allez, une dernière pour la route : Wrecking, évidemment. Vraiment Laura, même quand tu boudes, y a pas à dire t’es trop forte.

Je repars chez moi le pas léger la tête en l’air, sans dire au revoir aux Popingays (qui se sont barrés bien vite, de toute manière). Sinon il y avait aussi deux premières parties. C’était Your Heart Breaks (with pieces of Saltbreakers inside) et Marissa Nadler. C’est pas qu’elles étaient pas bien, bien au contraire. C’est juste que j’aime pas les mots en ce moment. J’ai envie de donner autrement.