Et il y a ces plans que l’on fait les yeux ouverts. Ces garçons percutés à peine notre champ de vision pénétré, ces garçons par les yeux rencontrés. Las de nos errances, nos regards se sourient à l’entrée de l’alcôve. Sitôt enfermés nos corps se découvrent, nos lèvres se cherchent et déjà se trouvent. La passion libérée, toute prudence omise, l’excitation prend des forteresses au doute ennemi. Nous sommes là, l’un pour l’autre, résolus à ne faire qu’un. Familier, il invoque des amants dont le souvenir m’est tendre. Sa beauté n’est pas violence, son triomphe reste modeste et digne. En lui point de hauteur ni de calcul, son désir rayonne la sincérité. Cependant il ne craint pas, son empire est de sérénité, il me veut et il m’aura, il m’aura parce que je brûle de m’abandonner et qu’enfin je le peux. Nos yeux ne se quittent guère que pour laisser nos langues se mêler. Je lis au fond de lui la folie de notre étreinte, sauvage, urgente, heureuse de cette fusion tant mystérieuse qu’inespérée. Déjà mes yeux se voilent et se fascinent alors que les secondes s’effacent sous le tangage de nos hanches, que l’éternité s’annonce dans son regard planté dans le mien. D’un geste il m’interrompt, pas tout de suite, pas trop vite, profitons. Je quitte ma gravité pour lui sourire quelque peu, admirer encore ce visage de petit brun dont je rêve si souvent, mes mains parcourent son torse humide et doux, l’enveloppent de ma reconnaissance émue. Peut-être est-ce là qu’il faut dire « Je t’aime ». Moi je n’ose que me taire, me recueillir en silence devant la beauté de l’extase. Dans mon culte muet je lui grave des stèles que je viendrai fleurir en pensée, encore longtemps après.