°g°erboiseries*

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Les gens

Les gens, ils n’existent pas. À la soirée des Popingays, je volette sans me poser, je suis obsédé par les numéros qu’on colle sur les t-shirts et par le panneau numéroté où on peut adresser des messages aux inconnus qui nous plaisent. Toute une soirée absorbée par ce rituel absurde. Bel exemple de virtualisation de l’existence. Quand *J* me présente un garçon souriant à l’accent méridional, je regarde son numéro mais je le vois à peine, je le zappe comme sur un chat, alors qu’il est souriant et mignon, qu’il a l’air désireux de faire connaissance. Je ne sais même plus s’il est mignon, en fait, je l’ai à peine regardé. Quand il m’a dit au revoir avant de partir, je ne l’ai pas reconnu. Je me suis trouvé con alors je lui ai fait la bise.

Les gens, ils n’existent pas. Un peu plus tard c’est une connaissance d’un ami qui m’aborde. Il a pour défaut terrible d’avoir sans doute la trentaine bien tassée. Comme je me suis mis un truc affreux dans la tête, genre « les vieux, ça suffit, c’est trop facile », j’ai zappé. Mais presque malgré moi j’ai zappé. J’ai dit à notre ami commun « Moi je ne sais pas quoi dire à quelqu’un que je ne connais pas, je sais pas faire ». Pourtant il avait l’air gentil ce mec. Et il était sans doute pas idiot. Et pas mal foutu avec tout ça. Voilà, passé à la trappe, cassées ses dents, cassées sur mon absence aux choses, aux choses et aux gens.

Les gens, ils n’existent pas. Pas plus dans le quotidien qu’au sauna ou sur ces putains de chats. Ils n’existent pas parce que quand je parle je scrute toujours le vide, parce que je ne peux pas regarder les gens, parce que le fait qu’il y ait une existence autre que la mienne derrière ces yeux en face de moi je ne peux pas le concevoir, c’est un inconnu trop immense, ça me panique, ça m’angoisse. Il n’y a pas de gens, il n’y a que des concepts. Va t’étonner de faire l’amour les yeux fermés. D’ailleurs tu fais pas l’amour tu passes ton temps à baiser. Seul, tu le restes, même dans ces moments de soi-disant intimité. C’est peut-être pour ça que c’est si médiocre, que tu commences à en avoir marre et que tu t’inventes un idéal monacal.

Les gens, ils n’existent pas. Le monde non plus. Tout est dans ta tête. Quand tu expliques les maths ou la physique, tu te mouilles pas, tu dis « c’est des modèles ». On regarde vite fait le monde alentour, on transforme ça en concepts, et après c’est tellement plus douillet de bricoler tout seul dans son petit monde avec les concepts. On peut le faire en prenant un air absorbé, un air profond. On peut le faire en scrutant le vide. Les maths, c’est que ça, c’est que du vide organisé. Ø, {Ø}, {Ø,{Ø}}, {Ø,{Ø},{Ø,{Ø}}}, {Ø,{Ø},{Ø,{Ø}},{Ø,{Ø},{Ø,{Ø}}}}, … On peut dire qu’on s’est trouvés les maths et moi.

Broken Social Scene

J’y suis allé sceptique, j’en reviens partagé. Leurs disques ne sont pas mal, mais il y manque de vraies explosions d’énergie, même quand ils essaient on dirait qu’ils n’osent pas, que ça s’arrête en cours de route, avant la folie, alors que c’était si prometteur. Sur scène c’était un peu pareil. Cela dit, tout canadiens qu’ils sont, les membres de ce collectif sont dans un esprit différent de celui d’Arcade Fire. Leur musique fait plus « intello », ce qu’on gagne en finesse se perd en intensité. Cela n’est pas sans me faire penser à Sigur Rós.

Ambiance onirique, orchestration riche des participations des multiples musiciens – jusqu’à onze sur scène simultanément – arrangements soignés, transitions ciselées, batteur impeccable, cuivres, le tout se suit avec plaisir et a même suscité quelques larmes rituelles. Malheureusement le son était très mal réglé, les chanteurs inaudibles, véritable problème étant donnée la faiblesse vocale du chanteur. Ce dernier a cru bon d’administrer un interminable sermon au public parisien pour le punir de son manque d’entrain. On s’en serait bien passé. Restent tout de même de beaux moments : 7/4 (Shoreline), Anthems for a Seventeen-Year-Old Girl, Cause=Time, Ibi Dreams of Pavement, Superconnected pour ceux dont je me souviens.