-alias- et MisterPatate* débarquent avec une ou deux personnes que j’entraperçois. L’instant d’après, un grand mec s’approche pour me dire bonjour ; c’est lui. Je dis à je ne sais plus qui à proximité « c’est lui ». Nothing. Je l’avais bien vu venir ce coup-là, qu’il allait débouler avec MisterPatate*. Merde, et j’ai pas préparé mon texte, quelle conne.

Plus de deux ans que je ne l’avais pas vu. Comme au téléphone, il est méconnaissable. La mèche, l’habit et la posture. Je l’avais laissé au fond du trou, muet et neurasthénatique. Me voilà en face d’une diva avenante et volubile, qui me fait la conversation alors que j’ai du mal à suivre. Je suis sonné.

Peu à peu, le fantôme que j’épie en lui se détache du personnage malgré le bruit, la fatigue et les vapeurs d’alcool. C’est une bouche, c’est un rire, c’est une mimique qui me saute à la figure. Ce sont ces conversations comme des tiroirs à double, à triple fond, où je ne sais jamais à quoi m’en tenir. Peu importe. Ce sont ces sujets qui fâchent, qui désormais ne fâchent plus guère. C’est sa douleur, c’est ma culpabilité et mon désir de rédemption. C’est sa rudesse et ma fragilité. C’est mon égoïsme et sa fragilité.

Il m’invite à danser sur Noir Désir de Vive la Fête, je titube et me sauve l’observer depuis les bras de Guillaume. Je dis encore pas mal de fois « C’est lui, c’est lui ». C’est la maaaaaa-aaaaa-nie… Il y a aussi MisterPatate* autour de qui se nouent des jeux compliqués. MisterPatate* qui me bat froid. Je me demande bien ce que Nothing a pu lui raconter à mon sujet. Sans doute de la laideur. Quoi de plus naturel, j’aurais fait pareil. D’ailleurs en mon temps je ne m’en suis pas privé. J’ai fait pareil.

Toute la soirée se dissout en Nothing. Certains diront que j’étais comme aimanté par ma quête désespérée du spectre ; après tout c’était peut-être la dernière fois qu’il m’était donné de le voir. Ils diront aussi que cette quête aura fait de moi une serpillière, prête à tout pour être avec lui, pour lui parler, pour m’abreuver de sa présence. Sa main qui descend sur mes fesses, mon regard sur son visage, ses lèvres sur les miennes…

« Quoi ? Tu es sorti avec lui ? » Oui, il y a deux ans, je suis sorti avec lui, et je ne veux pas savoir à quoi vous pensez au juste, ainsi drapés dans votre surprise. C’est vrai qu’il détone. Putain, je suis fier de ne pas être là où on m’attendait. Oui, je suis sorti avec lui, et je l’ai aimé, ce Nothing, ne vous déplaise. Je le porte partout avec moi : il se cache dans ma barbe. Il a beau m’horripiler à ses heures, il a beau surgir d’un passé bien révolu, je lui conserve toute ma tendresse et j’ai toujours soif de le connaître. « Je reste en France pour trois mois, on se voit bientôt ! »

*

Édouard ne s’est pas trop ennuyé. Pas mal de monde a chopé. Les gens m’ont gentiment demandé des nouvelles d’Orange, à qui j’ai souvent pensé au cours de la soirée. Orange… Siskid passait plutôt bien en DJ. Prostipütain aussi. Une fois Nothing parti, toute mon énergie s’est vidée sur What Was Her Name? de Dave Clarke : toujours un grand moment de complicité avec LeFaune.

*

Tout ça, c’est fini.