Je retrouve Ed à la Maroquinerie un peu avant, on prend un verre dans la petite cour désertée, attablés à une table humide. Il n’en revient toujours pas que je ne connaisse pas OMD ; après Enola Gay il me conseille Electricity. Agréable surprise, nous sommes rejoints par AC&P et Pheel.

En bas, l’atmosphère suinte le Black XS de Paco Rabane, sponsor du festival. D’après Pheel, très en forme, « En fait ça sent comme le désodorisant de voiture ! » AC&P n’est pas en reste : « Est-ce que tu es homosexuel ? » demande-t-il à Ed, qui, comme la décence l’exige, refuse de répondre à pareil outrage.

Une jeune fille écrit le nom du groupe au stylo bleu sur une pancarte blanche, dessine des étoiles à six branches. Digitalism : trois jeunes Allemands, des machines, une guitare. Leur électro n’est pas désagréable, sans être marquante. Il manque un je-ne-sais-quoi pour fixer mon attention. Une batterie ? Moins de machines et plus d’instruments ? Plus de mouvement, plus de ferveur ? Leur prestation s’achève sur une version bis d’un morceau qu’ils venaient de jouer. Je n’arrive pas à faire le lien. Que de distraction.

Par contre, The Infadels parviennent à m’attraper sans problème. Drôle de mélange que leur joyeux bordel tout feu tout flamme, volontiers saturé, qui me rappelle par moments ce que peut donner The Faint sur scène, en plus rock. Claviers, basse, batterie, tout tient la route. Dans ses interactions avec le public, le chanteur flirte avec le ridicule en se gardant bien de franchir la ligne rouge. Il aura montré sa langue sous toutes ses coutures, éperdument cherché les hurlements du public (qui viendront timidement), ponctué ses interventions de tant de « fucking » que je reste dubitatif quant à la qualité de sa vie sexuelle. Mais rien de grave, le groupe se donne, et réserve quelques jolies surprises sous forme d’accalmies aériennes au milieu de leur débauche d’énergie. Agréable découverte que ces Infadels.

Vient le tour des Black Strobe, Ivan Smagghe et Arnaud Rebotini, accompagnés de Siskid et d’un jeune (et joli) batteur. Que de sérieux et de suffisance pour une prestation ô combien douteuse… Siskid semble se faire chier devant son clavier, il clope pendant les pauses en attendant que ça se passe, il gratte sa guitare d’un air mécanique et absent. Rebotini, sorte de colosse brutal et maladroit au look improbable mais indubitablement patibulaire, s’évertue à beugler tout ce qu’il peut. Il tente d’arracher le micro à son trépied telle la rock-star qu’il ne sera jamais, le fil s’emmêle, tout manque de s’effondrer. Quant à lui, Smagghe reste introuvable… Planqué en coulisses, derrière une machine ? Le show sonne faux, les aboiements de Rebotini comme la comédie scénique qu’on tente de nous jouer. Je respire un peu pendant les pistes instrumentales où je retrouve le plaisir martial des martèlements de leur musique. Mais les Black Strobe manquent de variété dans leur noirceur. Sur la longueur, cela devient lassant et je sombre dans l’indifférence. Surnageant de la litanie, le frêle batteur se démène, forcené, bouche bée, le regard halluciné. Ainsi réduit en esclavage par deux electro-sadiques, on lui prête les pires souffrances dans ce marathon de percussions, course ininterrompue vers la fin du concert qui tarde à venir. Il relève le défi sans broncher, impeccable. Respect. Reste tout de même une grosse déception ; les Black Strobe ne semblent pas fait pour le live. Je retourne à mes mp3.