En chaussettes, je traîne avec délices sur le parquet propre et brillant. Dans la cuisine, le lino lui aussi décrassé paraît plus froid que d’habitude, plus plastique que jamais. La compagnie des moutons qui courraient sous la table ne me manquera pas de sitôt. Une soupe en paquet plus décente que prévu, un peu de fromage et un fond de vin rouge qui traînait au frigo, la soirée se déroule dans un calme voluptueux quoique banal. À croire qu’il y a quelque chose de rassérénant à récurer la liqueur d’immondices qui croupissait au fond de la poubelle.

Hier j’ai enfin supprimé mon dernier compte de chat. Je me décide à remonter de mon shoot virtuel. Désormais, lambiner des jours entiers devant l’ordinateur n’a plus l’évidence des semaines passées ; me voilà contraint à m’occuper. Demain soir, l’un des fantasmes glanés au hasard du chat s’incarnera à la descente du Thalys de 18h05. Comme *j*, il est architecte ; un peu plus jeune, il n’est encore qu’étudiant. C’est un bébé, un petit nounours douillet. Il a la fraîcheur et l’enthousiasme de la jeunesse sans les ternir d’une quelconque idiotie suffisante. Intelligent, tendre et sautillant, ce fut le compagnon privilégié de mes joies et déconvenues ces jours derniers ; en pensée.

Normandie - Bouchots sur la plage

En Normandie, il était là, pas très loin à flotter dans mon esprit, surtout lorsque mes compagnons de virée s’écartaient de mes horizons. Avec lui j’aurais aimé partager les joies simples de ces deux jours.

Pêche aux étrilles en Normandie

La pêche aux étrilles, le pommeau et le calvados, la rédactrice en chef de °W°hisky Magazine, les châtaignes du verger et l’oie qui cacane en cahotant dans le gravier, devant la maison.

Marée montante au Mont Saint-Michel

Le Mont Saint-Michel à 6 heures du matin, les eaux envahissant la baie avant les premières lueurs de l’aube, puis le soleil perçant les rares nuages et Arcade Fire, toujours Arcade Fire, pour illuminer mon ascension solitaire vers l’abbaye. Plus tard le cap Fréhel, le grès rose des falaises, l’or poivré des ajoncs allumés par le soleil d’automne, le goût de la mer qui souffle en une brise indolente…

Cap Fréhel

Demain la fantasme mourra pour laisser place à sa chair, au grain de sa voix, à son début d’accent bruxellois. Un jour il faudra voir Rouen, humer la terre des ancêtres. L’emporterai-je avec moi ?